Européennes et conflit ukrainien«Le président fait peur» - Macron joue avec le feu
AFP
20.3.2024
En évoquant l'hypothèse d'un envoi de soldats en Ukraine, dans un contexte économique morose, le président français Emmanuel Macron s'est lancé dans une séquence risquée sur le plan électoral à l'approche des élections européennes.
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20.03.2024, 09:59
20.03.2024, 10:06
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M. Macron a affirmé samedi que des «opérations sur le terrain» en Ukraine par les Occidentaux seraient peut-être nécessaires «à un moment donné», même s'il «ne le souhaite pas». Fin février, il avait déjà évoqué un éventuel envoi de «troupes» au sol.
Mardi, en marge d'une visite à Marseille, dans le sud-est de la France, il a jugé «souhaitable» et «nécessaire» qu'il y ait «une prise de conscience» car si Kiev perdait face à Moscou, «les conséquences seraient directes» pour les démocraties occidentales.
Le conflit en Ukraine est devenu un thème dominant de la campagne des européennes de juin pour la majorité présidentielle, qui ne cesse de dénoncer les accointances supposées avec le régime russe de l'extrême droite française, qui caracole en tête dans les sondages.
«Nous sommes à Munich en 1938. (...) Il est minuit moins une», a lancé la tête de liste de la majorité Valérie Hayer lors de son premier meeting de campagne à Lille (nord), le 9 mars.
Les oppositions dénoncent une opération électoraliste. Le président et tête de liste du parti d'extrême droite Rassemblement national (RN) Jordan Bardella fustige dans les propos de M. Macron une «forme de légèreté, d'irresponsabilité et de cynisme» qui «a de quoi inquiéter les Français». «Le président fait peur», dénonce le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, tandis qu'Eric Ciotti, le patron du parti de droite Les Républicains, l'accuse de «souffler sur les braises d'un potentiel conflit mondial à des fins électorales».
Méfiance
Le politologue Bruno Cautrès veut croire que le chef de l'Etat «a de très bonnes raisons de s'exprimer comme cela». Mais «ses propos percutent un pays où la défiance est forte et l'état psychologique global pas bon», sur fond de «crises sans fin».
Le scepticisme des Français envers la politique reste très élevé par rapport à d'autres pays européens, selon le baromètre du centre de recherches politiques Cevipof de février. Ils sont plus méfiants que jamais (38%, +9 points sur un an); la lassitude (36%, +6 points) et la peur (13%, +2 points) ont aussi progressé.
La popularité du président stagne ou diminue, selon deux baromètres mensuels publiés dimanche. Celle du Premier ministre Gabriel Attal enregistre une baisse, même si elle reste nettement au-dessus de celle d'Emmanuel Macron.
«Pour le moment, on ne voit pas d'effet très bénéfique (de ces déclarations sur l'Ukraine) pour l'exécutif, qui a une communication difficile à lire», note M. Cautrès.
A noter que les «très mécontents» augmentent de quatre points, selon l'institut de sondages Ifop. «Le mécontentement très vif à l'égard du président se concentre principalement sur l'Ukraine et la question de l'envoi de troupes» au sol, explique Frédéric Dabi, son directeur.
Dans ce baromètre, une question internationale n'avait pas eu autant de conséquences négatives sur la popularité du président depuis septembre 2013, lorsque François Hollande avait envisagé d'intervenir en Syrie. Il avait à l'époque enregistré une baisse de 10 points. En semblant agiter des peurs sur l'Ukraine, le chef de l'Etat n'a pas la garantie de mobiliser sur le plan électoral.
«Les gens ne vont pas aller voter pour l'Ukraine» aux européennes, tranche un ministre. «Ils vont aller voter contre Macron» dont les propos «nourrissent un sentiment global de peur qui peut les jeter dans les bras du RN», ajoute-t-il. Les préoccupations des Français concernent surtout la santé, le pouvoir d'achat et la sécurité avec l'immigration, rappelle M. Dabi.
En outre, le débat sur l'aide à l'Ukraine a télescopé l'annonce de coupes budgétaires de 10 milliards d'euros en 2024, puis 20 milliards en 2025, générant de la confusion. «On ne sait plus au fond où est la principale priorité de l'action publique en France», relève Bruno Cautrès.
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