Droits humains Le prix Sakharov à Ilham Tohti

ATS

24.10.2019 - 14:58

Ancien professeur d'économie dans une université de Pékin, Ilham Tohti a été condamné en 2014 par la justice chinoise à la prison à vie pour «séparatisme» (archives).
Ancien professeur d'économie dans une université de Pékin, Ilham Tohti a été condamné en 2014 par la justice chinoise à la prison à vie pour «séparatisme» (archives).
Source: KEYSTONE/AP/ANDY WONG

Le Parlement européen a décerné jeudi son prix Sakharov des droits de l'Homme à l'intellectuel ouïghour Ilham Tohti, condamné à la prison à vie en Chine pour «séparatisme», et a réclamé sa libération immédiate. Ce geste risque de hérisser Pékin.

Un an après avoir choisi, au grand dam de Moscou, le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov, alors détenu en Russie, le Parlement européen a distingué une autre personnalité emprisonnée, en Chine cette fois.

Ancien professeur d'économie dans une université de Pékin, Ilham Tohti a été condamné en 2014 par la justice chinoise à la prison à vie pour «séparatisme», lors d'un procès qui avait suscité une levée de boucliers de la part de gouvernements étrangers et d'organisations de défense des droits humains.

«Le Parlement européen lui exprime tout son soutien pour son travail et demande à ce qu'il soit immédiatement libéré par les autorité chinoises», a déclaré le président du Parlement européen, David Sassoli, devant l'hémicycle strasbourgeois. Cet universitaire «s'est beaucoup engagé pour améliorer la compréhension entre les ouïghours et les hans en Chine», a souligné M. Sassoli.

«Bien qu'il soit une voix modérée et de réconciliation, il a été condamné à la prison à vie à la suite d'un procès-spectacle», a également dénoncé le président du Parlement, appelant au «respect des droits des minorités en Chine», selon un communiqué diffusé par le Parlement.

La candidature d'Ilham Tohti, présentée par le groupe Renew Europe (Libéral), a été préférée à celle de jeunes filles kényanes qui ont créé une application pour combattre l'excision et de trois personnalités brésiliennes engagées pour la défense des minorités et de l'environnement, dont le chef indien Raoni, médiatique défenseur des peuples indigènes menacés par la déforestation.

«Le bien et le mal»

Ilham Tohti appartient à l'ethnie ouïghoure, majoritairement musulmane et qui constitue la principale population du Xinjiang, une vaste région du nord-ouest de la Chine soumise à un contrôle policier drastique. Au milieu des années 2000, il avait créé le site internet Uighur Online, qui publiait des articles en chinois et en ouïghour sur des questions de société sensibles.

Ses prises de position sur le bilinguisme et la politique économique au Xinjiang, ou encore ses critiques de dirigeants politiques ou des difficultés des Ouïghours pour trouver du travail lui avaient valu une étroite surveillance policière.

La justice lui a reproché d'avoir, durant ses cours, fait l'apologie des militants ouïghours ayant commis des attentats et d'avoir encouragé ses étudiants à participer aux activités du Mouvement islamique du Turkestan oriental (Etim). Cette organisation islamiste radicale milite pour l'indépendance du Xinjiang et est largement considérée à l'étranger comme une organisation terroriste.

Nomination dénoncée

Début octobre, la Chine avait fermement dénoncé sa nomination pour le prix Sakharov, accusant le Parlement européen de «soutenir le terrorisme». «Nous exigeons que (le Parlement européen) établisse une distinction claire entre le bien et le mal, retire sa nomination et cesse de soutenir le séparatisme et le terrorisme», avait fustigé lors d'un point presse le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Geng Shuang.

Fin septembre, Ilham Tohti avait déjà obtenu le prix Václav-Havel décerné par le Conseil de l'Europe, une institution distincte de l'Union européenne, chargée de promouvoir la démocratie et les droits humains.

«En brandissant le prétexte des droits de l'Homme et de la liberté, (le Conseil de l'Europe) blanchit un séparatiste qui soutient la violence et le terrorisme», avait alors dénoncé la diplomatie chinoise.

Doté de 50'000 euros, le Prix Sakharov pour la liberté de l'esprit doit son nom au physicien nucléaire soviétique Andreï Sakharov (1921-1989), grande figure de la dissidence à l'époque de l'URSS, qui avait lui-même reçu le prix Nobel de la Paix en 1975.

La cérémonie de remise du prix doit se tenir au Parlement européen le 18 décembre.

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