Grèce Le salaire des popes divise la Grèce

ATS

22.11.2018 - 05:54

"Rationaliser" la relation entre l'Eglise et l'Etat en Grèce n'est pas chose aisée (image symbolique).
"Rationaliser" la relation entre l'Eglise et l'Etat en Grèce n'est pas chose aisée (image symbolique).
Source: KEYSTONE/AP/PETROS KARADJIAS

Un premier ministre, de gauche et athée, face à un clergé adossé à la droite conservatrice: une nouvelle guerre politico-religieuse menace dans la très orthodoxe Grèce, autour de la relation entre Église et État.

Les hostilités font désormais la une des médias. Elles ont été officiellement ouvertes avec le rejet par la hiérarchie ecclésiastique d'un projet censé "rationaliser" cette relation.

La mesure prévoit que les quelque 10'000 popes cessent d'être assimilés à des fonctionnaires, tout en continuant, pour un budget de 200 millions d'euros annuels, à être payés sur deniers publics.

Dans un pays à vaste majorité orthodoxe, où la Constitution est promulguée au nom de la Sainte-Trinité, ce plan avait été conjointement présenté par le Premier ministre Alexis Tsipras et le chef de l'Église, l'archevêque Iéronymos.

"Neutralité religieuse"

Premier dirigeant grec à prêter serment sur l'honneur et non sur l'Évangile, et à ne pas être passé devant le pope avec sa compagne, M. Tsipras s'était prévalu d'un "accord historique", respectant l'esprit, sinon la lettre, de ses promesses électorales de séparer Église et État.

Les aménagements financiers annoncés doivent en effet être doublés d'une révision constitutionnelle posant la "neutralité religieuse" de l'État, et non plus la religion orthodoxe comme "religion dominante" du pays.

Mais lors d'une réunion de crise vendredi de leur organe collégial, le Saint-Synode, la majorité des évêques, 73 sur 82 selon un de ces dissidents, Mgr Chryssostomos, n'ont pas suivi Mgr Iéronymos. Celui-ci a été accusé de s'être fait manipuler par le Premier ministre.

Attitude "dédaigneuse"

Le changement de statut des popes, qui en Grèce sont mariés et en charge de familles, est "une ligne rouge", a martelé lundi sur la télé Skai Mgr Chryssostomos. Il a jugé "inacceptable" et "dédaigneuse" l'attitude du gouvernement.

Organisé en une influente Union, le bas clergé était déjà entré en résistance contre ce qu'il a qualifié de "pire atteinte au droit du travail dans l'histoire récente du pays", y voyant une menace pour sa couverture sociale et ses retraites.

Sa direction a porté la bonne parole auprès des partis d'opposition. Le rival conservateur de M. Tsipras, Kyriakos Mitsotakis, a dénoncé "l'instrumentalisation du clergé" et "l'exploitation du chef de l'Église à des fins électoralistes" par M. Tsipras. Son parti, Nouvelle-Démocratie, avait pourtant initialement salué l'accord trouvé.

Confronté à ce retour de goupillon, le gouvernement a haussé le ton et a annoncé le dépôt "immédiat" d'un projet de loi formalisant les annonces de M. Tsipras et de l'archevêque Iéronymos.

Séparation profitable

La dernière dispute au sujet de la religion vécue par le pays remonte à 2000, quand le gouvernement socialiste avait imposé la suppression de la mention obligatoire de la religion sur les cartes d'identité. A l'époque, en dépit de manifestations géantes, et du ralliement de la droite, l'Église avait finalement reculé.

Cette fois, avec un calendrier électoral chargé pour les 12 mois à venir, l'issue de la passe d'armes est plus incertaine, selon le juriste Mihalis Tsapogos. Ce coauteur d'une proposition de séparation de l'Église et de l'État pour le compte de la Ligue grecque des droits de l'Homme regrette que le règlement proposé ne constitue "même pas un bon début".

"Toutes les questions essentielles, sur la place des autres religions, sur l'immixtion de l'Église dans l'enseignement sont laissées de côté", déplore-t-il. Et de soutenir, qu'une véritable séparation serait aussi profitable à l'Église qu'à l'État.

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