Pour la première fois depuis 2016, de fragiles pourparlers de paix inter-yéménites s'ouvrent jeudi en Suède entre le gouvernement soutenu par l'Arabie saoudite et la rébellion appuyée par l'Iran. Les belligérants ne se font guère d'illusions sur les chances de percée.
Ces pourparlers organisés sous l'égide des Nations unies constituent une rare occasion de remettre sur le chemin de la paix le Yémen dévasté par quatre années de guerre qui ont fait au moins 10'000 morts et poussé 14 millions de personnes au bord de la famine.
Ils représentent une "opportunité unique" de ramener sur le chemin de la paix ce pays dévasté où la famine menace, a déclaré à l'ouverture des négociations le médiateur de l'ONU. "Au cours des jours à venir nous aurons une opportunité unique de faire avancer le processus de paix", a déclaré Martin Griffiths à la presse en présence des délégations yéménites, réunies dans un centre de conférence près de Stockholm.
Des préalables exigés
"Je ne veux pas me montrer trop optimiste mais je veux être ambitieux", a-t-il ajouté, se félicitant du retour à la table des négociations des belligérants pour la première fois depuis plus de deux ans. Peu avant l'ouverture des discussions jeudi matin, gouvernement et rebelles ont posé séparément des préalables à tout accord.
Sur Twitter, le gouvernement a exigé "le retrait intégral" des rebelles de la ville portuaire de Hodeida (ouest) conquise en 2014 et par où transite l'essentiel de l'aide humanitaire. De leur côté, les rebelles ont menacé d'empêcher les avions de l'ONU d'utiliser l'aéroport de la capitale Sanaa si les pourparlers en Suède n'aboutissent pas à la reprise du trafic aérien civil.
L'aéroport international a été fermé au trafic commercial civil après l'intervention militaire en 2015 de la coalition progouvernementale dirigée par l'Arabie saoudite.
"Maigres espoirs"
Toutes les tentatives visant à mettre fin à la guerre qui dure depuis quatre ans ont échoué jusqu'ici, alors que la situation humanitaire, dans ce pays le plus pauvre de la péninsule arabique, est la pire du monde selon l'ONU. Martin Griffiths est allé en personne chercher dans la capitale Sanaa la délégation des rebelles Houthis.
Les discussions devaient débuter à 11h00 et les Yéménites ont prévu de rester une semaine en Suède, selon une source de l'ONU. "Ces consultations politiques en Suède constituent une première étape pour remettre le Yémen sur le chemin de la paix", selon Martin Griffiths qui a appelé les belligérants à accepter "le principe fondamental des concessions dans toute négociation".
Les contacts se tiennent près de Rimbo, dans le centre de conférences du château de Johannesberg, un vaste domaine situé à une cinquantaine de kilomètres au nord de Stockholm.
Le conflit oppose les rebelles Houthis, appuyés par l'Iran chiite, aux partisans du gouvernement du président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, soutenus militairement par l'Arabie saoudite sunnite. Une source diplomatique au Conseil de sécurité des Nations unies a déclaré à l'AFP nourrir de "très maigres espoirs" que ces pourparlers puissent déboucher sur des avancées concrètes.
Catastrophe humanitaire
En septembre, des pourparlers de paix ont achoppé sur le refus des négociateurs Houthis de se rendre à Genève sans garantie sur leur voyage retour vers la capitale Sanaa et sur l'évacuation de rebelles blessés vers Oman.
Les pourparlers en Suède ont été favorisés par deux facteurs: la forte pression internationale exercée sur l'Arabie saoudite depuis l'assassinat le 2 octobre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans son consulat d'Istanbul, et l'évacuation lundi de 50 rebelles blessés vers Oman. Un accord en vue d'échanger des centaines de prisonniers a par ailleurs été conclu.
Partis en 2014 de leur bastion du nord du Yémen, les rebelles Houthis ont pris le contrôle de vastes régions, dont la capitale et le port de Hodeida. En mars 2015, l'Arabie saoudite voisine a pris la tête d'une coalition militaire pour aider le pouvoir à stopper la progression des rebelles.
Le conflit a progressivement pris la tournure d'une "guerre par procuration" entre les rivaux régionaux saoudien et iranien et précipité des millions de civils dans l'exil et la faim. Près de 80% de la population du Yémen, soit approximativement 24 millions de personnes, a "maintenant besoin d'une forme ou autre de protection et d'une assistance humanitaire", selon l'ONU.
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