France Le spectre de l'abstention plane sur la présidentielle

ATS

27.3.2022 - 09:05

A deux semaines du premier tour de la présidentielle française, le spectre de l'abstention plane plus que jamais sur une fin de campagne en trompe-l'oeil, qui peine à mobiliser les électeurs. L'abstention est annoncée une nouvelle fois à un niveau record.

La baisse de la participation à l'élection présidentielle est notamment imputée à l'évidence que Macron va gagner. (archives)
La baisse de la participation à l'élection présidentielle est notamment imputée à l'évidence que Macron va gagner. (archives)
KEYSTONE/AP/Ludovic Marin

27.3.2022 - 09:05

Mais les spécialistes des élections divergent sur la gravité du mal et sur les «victimes» des effets démobilisateurs d'une victoire annoncée, à en croire les sondages, du président sortant Emmanuel Macron. Selon une récente enquête de BVA sur les abstentionnistes, seuls 71% des sondés déclarent avoir l'intention d'aller voter.

Si cela se confirmait dans les urnes le 10 avril, le niveau d'abstention serait similaire à celui observé lors du scrutin du 21 avril 2002 (28,4%), le plus haut niveau jamais enregistré pour un premier tour d'une élection présidentielle en France et bien plus qu'en 2017 (22,2%), qui n'était déjà pas un bon cru.

«On pourrait se dire que 70% de participation, c'est un score honorable», mais «pour beaucoup de citoyens – pensons aux plus de 65% d'abstentionnistes des élections régionales de 2021 – la présidentielle reste le dernier rempart contre une rupture totale avec le vote. C'est cet éloignement définitif qui inquiète», met en garde Céline Braconnier, professeur de sciences politiques.

Fin de la participation

«C'est vrai, on risque d'avoir une baisse de la participation à l'élection présidentielle pour différentes raisons: la destruction des partis d'un côté et l'évidence que Macron va gagner de l'autre», analyse pour l'AFP le politologue Gérard Grunberg, politologue et directeur de recherche émérite au centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Dans les sondages, Emmanuel Macron est donné gagnant du scrutin avec près de 30% des suffrages au premier tour et la cheffe de file de l'extrême droite Marine Le Pen avec 20%.

Pour M. Grunberg, il faut encore mettre à part la présidentielle, élection reine en France, qui demeure malgré tout relativement préservée, et «même si la participation baisse de dix points, on est toujours à un niveau très important, donc, on ne peut pas dire que les électeurs se désintéressent complètement».

«Les jeux sont faits»

«Les gens sont de plus en plus utilitaristes. Ils votent quand cela les intéresse et on sait bien que, plus c'est serré, plus les gens votent. Donc, la victoire annoncée d'Emmanuel Macron ne mobilise pas», insiste-t-il.

Dans une étude réalisée par l'institut de sondages BVA, 40% des abstentionnistes potentiels mettent en effet en avant «l'impression que les jeux sont faits» pour justifier leur retrait des urnes, à égalité (41%) avec l'idée que «l'élection ne changera rien à leur quotidien».

Cela inquiète les soutiens d'Emmanuel Macron qui craignent une démobilisation de leurs électeurs trop confiants, tant il est «historiquement, toujours plus difficile de mobiliser l'électorat de la majorité sortante», juge le sondeur Bruno Jeanbart dans le quotidien économique les Echos.

Appels aux abstentionnistes

Mais pour Gérard Grunberg, c'est au contraire les adversaires du président sortant qui ont du souci à se faire. «Cela va bénéficier encore plus à M. Macron, parce que l'électorat Macron est assez déterminé, surtout en cette période de guerre larvée. Ce sont les autres qui pourraient se dire: on n'aime pas Macron, mais il va gagner et on ne sait pas pour qui voter», estime-t-il.

La candidate d'extrême droite Marine Le Pen et celui de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, dont les électorats sont plus jeunes et plus populaires donc davantage menacés par la difficulté à mobiliser, l'ont bien compris. Ils multiplient les appels aux abstentionnistes.

«C'est une des clés qui pourrait permettre à Jean-Luc Mélenchon d'être au second tour, s'il y a une forte participation populaire, parce que ceux qui s'abstiennent, ce sont les milieux populaires, dégoûtés de tout et ayant l'impression qu'aucune réponse ne sera apportée à leurs problèmes à l'occasion de ces élections», a averti jeudi Alexis Corbière, le porte-parole de Jean-Luc Mélenchon.

ATS