Migration Le successeur de l'Aquarius est prêt

ATS

2.8.2019 - 14:07

«D'ici, on voit plus loin, ce devrait être plus facile de repérer les bateaux en détresse», estime Nicholas Romaniuk, vieux routier (à 34 ans) du sauvetage en mer.
«D'ici, on voit plus loin, ce devrait être plus facile de repérer les bateaux en détresse», estime Nicholas Romaniuk, vieux routier (à 34 ans) du sauvetage en mer.
Source: KEYSTONE/EPA/SEBASTIEN NOGIER

Plus haut, plus rapide et mieux conçu que l'Aquarius, l'Ocean Viking, affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans Frontières (MSF), a été difficile à trouver. Le voilà sur le point d'appareiller pour porter secours à des naufragés prêts à tout pour fuir la Libye.

Amarré depuis lundi dans le port de Marseille (sud-est de la France), le bâtiment rouge et blanc, comme son pavillon norvégien, subit jeudi les derniers tours de vis et ajustements nécessaires à sa première campagne, censée commencer samedi.

«D'ici, on voit plus loin, ce devrait être plus facile de repérer les bateaux en détresse». Debout sur la passerelle qui surmonte le vaste pont arrière, Nicholas Romaniuk, vieux routier (à 34 ans) du sauvetage en mer, désigne la caméra thermique qui identifie les corps humains sur l'eau. «En plus des deux radars qui scrutent l'horizon 24 heures sur 24, on ajoute en cas d'alerte des gens la nuit avec des jumelles de vision nocturne».

Trois canots pneumatiques rapides, des RIB (rubber inflatable boats) d'une capacité de 30 rescapés, et deux «bananes», longs boudins de caoutchouc orange jetés à l'eau pour qu'une centaine de naufragés s'y accrochent en attendant d'être évacués au sec, parachèvent l'arsenal de cette guerre contre la mer.

Avec ses deux moteurs, ses deux hélices et ses deux propulseurs d'étrave, l'Ocean Viking pourra rejoindre plus rapidement que son prédécesseur les embarcations en danger.

Question du pavillon

Dans un contexte de défiance envers les organisations humanitaires qui se portent au secours des migrants naufragés en Méditerranée centrale, au large des côtes libyennes, il aura fallu sept mois à SOS Méditerranée pour trouver ce nouveau navire, un bâtiment norvégien de 69 m sur 15, construit en 1986 pour l'assistance aux plates-formes pétrolières.

«On devait trouver un bateau capable de faire face, en haute mer, à des embarcations en danger transportant souvent plus de 100 personnes. On a étudié une vingtaine d'options... En cours de route, certains armateurs ont pris peur et se sont rétractés», confie Frédéric Penard, directeur opérationnel de l'ONG maritime.

Autre difficulté, celle du pavillon sous lequel l'Ocean Viking allait pouvoir naviguer: l'Aquarius avait été successivement privé du pavillon de Gibraltar puis de celui de Panama, en décembre 2018. «Il fallait éviter tout risque d'intimidation sur notre pavillon... Avec la Norvège, on pense avoir trouvé le bon outil», reprend M. Penard.

Une fois le contrat conclu avec l'armateur, le bateau s'est rendu en Pologne, début juin, pour y être aménagé. Son vaste pont arrière est désormais encombré de conteneurs blancs qui offriront de l'ombre aux rescapés, une salle de repos séparée pour les femmes et les enfants, une clinique et quelques quartiers supplémentaires pour les 30 membres du bord, équipage, marins-secouristes et personnel médical.

Les grues qui s'affairent encore jeudi autour des flancs ont déjà hissé à bord un millier de gilets de sauvetage, des tonnes de vivres et de rations de survie, et du carburant en réserve.

«De la politique»

En l'absence d'accord entre États européens pour accueillir les rescapés, le gouvernement italien barre l'accès à ses ports, en première ligne face à la Libye: les équipes se préparent donc à une possible errance le long des côtes, empêchées de débarquer leurs passagers en lieu sûr.

Si les navires des ONG «entrent dans les eaux territoriales italiennes, nous les saisirons un par un. On verra bien qui se fatiguera en premier», a prévenu jeudi Matteo Salvini, le ministre italien de l'Intérieur.

«Ca, c'est de la politique, ça ne nous concerne pas. Notre boulot à nous, c'est de sauver des vies, et c'est pour ça qu'on reprend la mer», rétorque Sam Turner, chef de mission Libye pour MSF, venu assister au départ.

Dernière nouveauté à bord, une personne est désormais chargée de documenter l'intégralité de la mission, de recenser toutes les données de navigation et de communication, avec la terre ou d'autres navires, afin de pouvoir répondre aux critiques.

«Dans un contexte cherchant à criminaliser les ONG, nous pourrons prouver que nous travaillons exclusivement dans un cadre légal», explique Louise G., responsable de ces «documentations et preuves» à bord.

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