Les dirigeants européens ont entamé jeudi un sommet virtuel pour tenter d'afficher un front commun face à la menace des variants du coronavirus, en dépit de restrictions de circulation non coordonnées et de vives divergences sur le futur «passeport vaccinal».
Les dirigeants des Vingt-Sept se sont réunis en visioconférence peu avant 15h00. Alors que l'essor des variants britannique et sud-africain fait planer le spectre de nouvelles flambées de contaminations à travers le continent, les campagnes de vaccination restent poussives, même si les Européens tentent d'accélérer.
Bruxelles a promis une forte augmentation des doses disponibles au deuxième trimestre – avec des livraisons de Pfizer/BioNTech et Moderna nettement accrues et l'approbation du vaccin de Johnson&Johnson.
La réunion fera le point «sur les façons d'accélérer l'approbation des vaccins, la fabrication et les livraisons», a rappelé en ouverture le président du Conseil européen, Charles Michel, selon un porte-parole.
Restrictions de circulation
Inquiets de la poussée des variants, une dizaine d'Etats de l'UE ont limité le franchissement de leurs frontières. La Commission a sommé six d'entre eux de s'expliquer sur des restrictions de circulation qu'elle juge disproportionnées. Elle redoute la perturbation de chaînes de production.
La Belgique interdit notamment tout voyage non essentiel et l'Allemagne filtre les liaisons avec la République tchèque, la Slovaquie et le Tyrol autrichien. La France a annoncé jeudi qu'elle exigerait des tests PCR récents pour les déplacements non professionnels de frontaliers depuis l'Allemagne vers la Moselle.
«La coordination est compliquée car, pour les dirigeants, la priorité est de protéger leur population», observe un haut responsable européen, qui s'attend à des «discussions animées».
«Nervosité»
Les Vingt-Sept s'étaient initialement promis de n'adopter que des mesures «proportionnées» et «non discriminatoires». Mais les variants ont changé la donne. Ils «suscitent une nervosité et une prudence légitimes: pour une partie des gouvernements, le réflexe – parfois le plus commode – est de fermer les frontières», note un diplomate, pour qui le sommet doit «rappeler les règles collectives».
Selon un projet de conclusions, consulté par l'AFP, les dirigeants européens prévoient de réaffirmer que «les flux sans entrave des biens et services au sein du marché unique doivent être garantis».
«La fermeture de frontières (...) nuit à l'ensemble de notre marché unique», s'est alarmé jeudi le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton.
Certificat de vaccination
Concernant la question d'un certificat de vaccination européen pour faciliter les voyages, les dirigeants pourraient se contenter d'"appeler à poursuivre une approche commune» sur les critères et le format choisis, mais sans mesure concrète, selon des sources concordantes.
Les campagnes de vaccination dans l'UE restent ralenties par les ratés de livraisons des laboratoires, même si Bruxelles prévoit toujours de vacciner 70% de la population adulte européenne d'ici mi-septembre. Pour l'heure, 4,2% des Européens ont reçu au moins une dose et seulement environ 2% ont reçu les deux doses requises.
Dans ce contexte, Paris et Berlin rejettent toute inégalité de traitement entre une minorité privilégiée et les autres: «Parler de certificat (de vaccination) actuellement, cela n'a aucun sens, c'est conflictuel et problématique», abonde un diplomate. Il n'est d'ailleurs pas encore établi qu'être vacciné empêche de contaminer d'autres personnes.
«Passeport vert»
D'autres Etats – notamment les plus dépendants du tourisme – veulent une adoption accélérée pour sauver leur saison estivale, à l'instar de la Grèce. «Mais nous devons avancer ensemble», s'inquiète un diplomate.
Le chancelier autrichien Sebastian Kurz préconise «un passeport vert» permettant de voyager ou d'accéder aux restaurants, pour les personnes vaccinées mais également celles immunisées après avoir contracté le virus. Il a averti qu'en l'absence de solution européenne, un projet sera «établi au niveau national».
Selon le Premier ministre bulgare Boïko Borissov, plusieurs Etats dont le sien, l'Autriche et la Grèce, se sont «mis d'accord sur la proposition d'un passeport vert qui permettra de soulager tous ceux qui se sont fait vacciner ou ont eu la maladie».
La Grèce et Chypre ont déjà conclu, chacun de leur côté, un accord touristique avec Israël permettant à leurs citoyens vaccinés de voyager sans restriction.
Aider l'Afrique
Les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE se pencheront également jeudi sur l'approvisionnement en vaccins des pays tiers: Emmanuel Macron a proposé que l'Europe et les Etats-Unis livrent «le plus vite possible» 13 millions de doses à l'Afrique pour y vacciner les soignants.
A Bruxelles, on rappelle que les Etats membres sont libres de donner leurs doses à d'autres pays, parallèlement au dispositif international Covax, mais certains diplomates s'inquiétaient de promesses prématurées alors que la vaccination patine encore en Europe même.