Les GAFA écrasent leurs concurrents, accusent les démocrates; les GAFA nous censurent, s'énervent les républicains: les élus américains tentaient mercredi de résumer des années de frustration vis-à-vis des entreprises qui dominent l'internet mondial.
Sundar Pichai (Alphabet, maison-mère de Google), Tim Cook (Apple), Mark Zuckerberg (Facebook) et Jeff Bezos (Amazon), étaient auditionnés en visioconférence par la commission judiciaire de la Chambre des représentants à Washington, qui enquête depuis un an sur d'éventuels abus de position dominante.
«Ils ont trop de pouvoir», a assené, d'emblée, David Cicilline, le président du sous-comité sur la concurrence. Et «ils vont certainement émerger (de la pandémie) encore plus forts et plus puissants qu'avant». «Si le Congrès ne force pas les 'Big Tech'à être équitables, ce qu'ils auraient dû faire il y a des années, je le ferai moi-même avec des décrets», a menacé Donald Trump avant le début de la séance.
Les premières questions des parlementaires démocrates se sont concentrées sur les pratiques qu'ils jugent anti-concurrentielles. «Les preuves montrent clairement que Google est devenu le portail d'accès à internet et abuse de son pouvoir. (...) en s'assurant, virtuellement, que toute entreprise qui veut être trouvée en ligne doive payer une taxe à Google», a conclu M. Cicilline après une série de questions à Sundar Pichai.
Jerry Nadler, le président de la commission, a de son côté attaqué Mark Zuckerberg sur le terrain des acquisitions, qui «enfreignent les lois antitrust». «Facebook voyait Instagram comme une menace (...), donc (...) ils les ont rachetés», a-t-il accusé, alors que Mark Zuckerberg a tenté de faire valoir que le succès de l'application n'était pas garanti à l'époque de son acquisition.
«Chasse aux conservateurs»
Google et Facebook accaparent l'essentiel des recettes publicitaires numériques mondiales grâce aux données personnelles de leurs milliards d'utilisateurs. Apple et Amazon, eux, sont accusés d'être juge et partie sur leurs plateformes, l'app store pour l'un et le site de e-commerce pour l'autre.
Comme prévu par de nombreux observateurs, à moins de 100 jours de élections, les questions des élus républicains et de certains démocrates ont rapidement dérivé sur les réseaux sociaux et leur rapport à la liberté d'expression.
«Les Big Tech ont ouvert la chasse aux conservateurs et ça c'est un fait», a lancé Jim Jordan, un des proches alliés de Donald Trump, énumérant des exemples de tentatives, à son avis, de réduire les républicains au silence sur les plateformes.
Sociétés «fièrement américaines»
Les patrons ont pu faire valoir leurs arguments surtout lors des propos liminaires, les parlementaires ne leur laissant qu'assez peu la parole lors de la séance de questions et réponses. Tous en appellent à la fibre patriotique des élus. Leurs sociétés, «fièrement américaines», dixit Mark Zuckerberg, doivent leur succès aux valeurs et lois du pays – démocratie, liberté, innovation, etc.
«Il n'y a pas de garanties que nos valeurs vont gagner. La Chine par exemple construit sa propre version d'internet sur des idées très différentes, et exporte cette vision dans d'autres pays», insiste le jeune milliardaire. Les GAFA mettent aussi en avant leurs investissements, les créations d'emplois aux Etats-Unis, et assurent favoriser la compétition et faire face à une concurrence féroce.
La commission judiciaire enquête depuis des mois sur de possibles abus de position dominante, mais l'audition a peu de chance d'avoir des conséquences majeures, si ce n'est de préparer de nouvelles lois plus contraignantes pour réguler les plateformes numériques.
Jeff Bezos, épargné par les parlementaires en début de séance, les a néanmoins avertit sur sa philosophie personnelle. «Quand vous regardez dans le miroir, que vous évaluez les critiques, et que vous pensez encore que vous avez pris les bonnes décisions, aucune force au monde ne devrait pouvoir vous faire changer».
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