A l'approche d'élections cruciales à Taïwan, les vidéos mensongères et trompeuses sur TikTok se multiplient, visant essentiellement les candidats favorables à l'indépendance de l'île.
A l'approche d'élections cruciales à Taïwan, les vidéos mensongères et trompeuses sur TikTok se multiplient
Hsiao Bi-khim (d), colistière du candidat Lai Ching-te (g) pour le Parti démocrate progressiste (PDP, ou DPP en anglais) au pouvoir, à Taipei le 9 janvier 2024
Les électeurs taïwanais face à une vague de désinformation - Gallery
A l'approche d'élections cruciales à Taïwan, les vidéos mensongères et trompeuses sur TikTok se multiplient
Hsiao Bi-khim (d), colistière du candidat Lai Ching-te (g) pour le Parti démocrate progressiste (PDP, ou DPP en anglais) au pouvoir, à Taipei le 9 janvier 2024
Cette campagne d'influence est, selon des experts et représentants taïwanais, orchestrée par Pékin, qui revendique Taïwan comme faisant partie de son territoire.
Les électeurs se rendront aux urnes samedi pour élire un nouveau président lors d'un scrutin déterminant pour les futures relations de l'île autonome avec une Chine de plus en plus agressive.
La bataille pour influencer les électeurs taïwanais fait rage en ligne depuis des mois, avec des internautes approuvant, commentant et partageant des vidéos sur les réseaux sociaux.
Souvent accompagnées de graphismes criards et de musiques dramatiques, certaines des vidéos partagées sur TikTok proviennent vraisemblablement de Douyin, la version de l'application disponible en Chine continentale, ont remarqué les équipes d'investigation numérique de l'AFP.
L'infox la plus répandue concerne Hsiao Bi-khim, colistière du candidat Lai Ching-te, dont le Parti démocrate progressiste (PDP, ou DPP en anglais) au pouvoir.
«C'est une étrangère», affirme un internaute sur l'une des nombreuses vidéos partagées sur TikTok à son propos, relayant l'idée qu'elle conserverait secrètement la citoyenneté américaine et serait donc inéligible.
Mme Hsiao a déclaré à plusieurs reprises avoir renoncé à sa nationalité américaine il y a plusieurs décennies, et l'AFP a trouvé son nom sur une liste du gouvernement américain de personnes ayant renoncé à leur nationalité.
Les experts estiment qu'il s'agit là d'un exemple de la volonté de Pékin d'utiliser de fausses informations ou des affirmations partiellement vraies pour discréditer les personnalités politiques opposées à l'idée selon laquelle Taïwan fait partie de la Chine.
«Les campagnes d'information (menées par la République populaire de Chine) sont soutenues, systématiques et produisent d'énormes volumes de mésinformation – tout ce qui peut discréditer (...) la légitimité de la démocratie taïwanaise», a déclaré à l'AFP l'expert chinois Jonathan Sullivan de l'Université de Nottingham.
«Taïwan fait face à un rival extrêmement bien doté en ressources et motivé pour gagner les cœurs et les esprits», a-t-il ajouté.
De Douyin à TikTok
Dès mai 2022, des comptes se faisant passer pour des utilisateurs taïwanais ont commencé à diffuser des vidéos et mèmes politiques dans le cadre d'un «effort soutenu et coordonné», a indiqué le cabinet d'études américain Graphika dans un rapport récent.
M. Lai a accusé la Chine d'utiliser «tous les moyens pour interférer avec cette élection», y compris la désinformation.
Pékin a rejeté ces allégations, les qualifiant de «rumeurs».
La Chine s'oppose depuis longtemps au DPP, le parti de la présidente Tsai Ing-wen, au pouvoir depuis 2016. Elle considère Taïwan comme un Etat de facto souverain et n'accepte pas les revendications de la Chine sur ce territoire.
Alors que le candidat du DPP est en tête des sondages, un haut fonctionnaire chinois a présenté ce vote comme un choix entre la guerre et la paix.
Ce thème est récurrent dans une majorité de contenus trompeurs ou erronés identifiés par l'AFP ainsi que par d'autres organismes de vérification – à savoir que le DPP agit contre Taïwan et sur ordre des Etats-Unis.
Si nombre de ces vidéos sont des assemblages purs et simples de commentaires d'opposants au DPP, certaines comportent aussi des «deepfakes» – des montages hyperréalistes usant de l'apparence d'une personne, souvent célèbre, pour lui faire faire ou dire quelque chose.
Une de ces vidéos frauduleuses a émergé en novembre, montrant M. Lai s'adressant à la presse, avec une bande audio manipulée pour donner l'impression que l'homme politique fait l'éloge d'opposants de son parti favorables à Pékin.
Les autorités taïwanaises l'ont rapidement retirée, évoquant une tentative malveillante d'influencer les électeurs.
Bien que des contenus contre le principal adversaire du DPP, le Kuomintang, favorable à la Chine, se trouvent également sur TikTok, la cellule d'investigation numérique de l'AFP a constaté une différence très marquée dans le nombre de visionnages.
Un hashtag important opposé au Kuomintang a reçu plus d'un million de vues, tandis qu'un autre contre le DPP a été aperçu près de 20 millions de fois.
«Ces messages et vidéos proviennent souvent de Chine, et la plupart de leurs contenus portent sur la méfiance à l'égard de certaines politiques gouvernementales», a déclaré à l'AFP Charles Yeh, fondateur du groupe de vérification des faits Mygopen.
L'AFP, ainsi que plus d'une douzaine d'organisations de vérification des faits, est payée par TikTok pour vérifier les vidéos susceptibles de contenir de fausses informations.
TikTok supprime ensuite certaines vidéos si les équipes de l'AFP démontrent que les informations sont fausses, ou les signale comme trompeuses aux utilisateurs de la plateforme.