Des manifestants sont encore dans les rues mercredi au Soudan pour protester contre un coup d'Etat militaire et l'arrestation de hauts dirigeants civils, dont le premier ministre Hamdok, brièvement retenu puis ramené chez lui mardi soir, après d'intenses pressions.
De nombreux pays et l'ONU ont dénoncé un coup d'Etat militaire après l'annonce lundi par le général Abdel Fattah al-Burhane de la dissolution de toutes les institutions du Soudan et l'arrestation de leurs dirigeants civils par des soldats. Ces événements ont coupé court à une transition démocratique entamée en 2019.
A la suite du coup de force lundi, Washington a suspendu une part de son aide à ce pays d'Afrique de l'Est parmi les plus pauvres du monde, et l'Union européenne a menacé de suivre. Moscou a en revanche estimé que ces développements étaient «le résultat logique d'une politique ratée».
Tôt mercredi, après de nouveaux tirs de gaz lacrymogène sur des manifestants – dont quatre ont déjà été tués par balles, selon des médecins -, le Conseil de sécurité de l'ONU a renoncé à utiliser «les termes les plus forts» pour dénoncer le putsch. Et le Fonds monétaire international (FMI), dont les aides et l'allègement de la dette sont vitales pour le Soudan, a estimé qu'il était «prématuré» de se prononcer.
Dans les rues de la capitale Khartoum, les manifestations se poursuivent mercredi matin, mais la police et les forces de sécurité démantèlent certains barrages routiers installés par les manifestants et arrêtent des participants autour des barricades, selon des correspondants de l'AFP.
En 2018 et 2019 déjà, des manifestants avaient campé pendant des mois jusqu'à forcer l'armée à démettre le dictateur Omar el-Béchir, au prix de plus de 250 morts dont les familles attendent toujours justice.
«Désobéissance civile»
La capitale soudanaise est depuis lundi une ville morte, coupée de ses banlieues de l'autre côté du Nil par des soldats et des blindés déployés sur tous les ponts et coupée du reste du monde avec la fermeture jusqu'à samedi de son aéroport.
La «désobéissance civile» décrétée lundi sous le choc d'un coup d'Etat que tout le monde pressentait mais que personne n'imaginait si rapide est suivie. La plupart des syndicats ont déclaré la «grève générale», les magasins non essentiels sont fermés et ceux qui voudraient briser le mouvement ne peuvent pas rejoindre leur travail en raison des barricades et du danger à s'aventurer dans une ville où internet et les télécommunications vont et viennent.
Et le fait que le premier ministre Abdallah Hamdok, un ancien économiste de l'ONU devenu le visage de la moitié civile des autorités de transition partagées avec les militaires pour mener le Soudan vers ses premières élections libres depuis 30 ans, soit chez lui n'y change rien pour la rue qui veut une transition menée par les seuls civils.
Aucune image de l'homme qui n'a cessé de tenter de trouver un compromis entre les militaires et la rue pour «réaliser la liberté, la paix et la justice», disait-il il y a encore moins d'une semaine, n'a jusqu'ici filtré et il est toujours, selon son bureau, «sous étroite surveillance». D'après le Département d'Etat américain, le chef de la diplomatie Antony Blinken s'est entretenu par téléphone avec lui mardi soir.
Pour manifestants et experts, l'option d'un retour à la dictature dans ce pays d'Afrique de l'Est devient de plus en plus réaliste.
Incapables de poster des vidéos en ligne avec des réseaux coupés la plupart du temps, nombre de militants redoutent plus de violence des forces de l'ordre. Selon eux déjà, plusieurs dirigeants de partis politiques ont été arrêtés et les forces de l'ordre ont pris d'assaut le campus de l'Université de Khartoum.
Pour dénoncer ces violences et le coup d'Etat, les ambassadeurs soudanais à Paris, Bruxelles et Genève ont fait défection, proclamant mardi leurs ambassades comme celles du «peuple et de sa révolution».