Une foule compacte a défilé vendredi à Alger pour la 23e semaine consécutive. Les manifestants contestent toute légitimité au «panel» désigné la veille par le pouvoir pour mener un «dialogue» sur les modalités d'une présidentielle rejetée par la contestation.
Dans les rues quadrillées par les forces de l'ordre, les manifestants ont scandé «le Peuple veut l'indépendance», ou «y en marre des généraux», en référence à la place centrale occupée par l'armée dans l'appareil de pouvoir depuis l'indépendance.
Son chef d'état-major, le général Ahmed Gaïd Salah, est en outre devenu le véritable homme fort du pays depuis la démission le 2 avril, après 20 ans à la tête de l'Etat, du président Abdelaziz Bouteflika, confronté à un mouvement de contestation inédit.
Impossible à évaluer précisément en l'absence de comptage officiel, la mobilisation est restée forte vendredi. Elle était toutefois moins massive que lors des gigantesques cortèges des premiers mois de contestation, déclenchée le 22 février.
«Gang» au pouvoir
Désigné jeudi au sein du «Panel de médiation», Karim Younes, ex-président de la Chambre basse et ancien ministre de M. Bouteflika, a rejoint le général Gaïd Salah et le président par intérim Abdelkader Bensalah parmi les cibles des manifestants qui ont notamment scandé: «Karim Younes, dégage».
M. Younes dit «qu'il veut mener le dialogue avec le peuple, alors qu'en 2001, il était (membre du gouvernement) quand les manifestations contre le pouvoir ont été réprimées dans le sang en Kabylie», lors du «Printemps noir» qui a fait 126 morts, s'insurge Mohamed, fonctionnaire de 44 ans, venu de Béjaïa, à 180 km à l'est d'Alger.
«Nous refusons le dialogue avec le 'gang'» au pouvoir, proclame sur une pancarte Farid, agent immobilier de 51 ans, pour qui les six membres du panel «cherchent des postes».
Conditions au dialogue
L'un d'eux, l'économiste et président de l'association Algérie conseil export (ACE), Smail Lalmas, qui manifestait vendredi à Alger, a été encerclé par des manifestants lui reprochant d'avoir accepté de siéger au panel. «Je suis de ceux qui sont contre le dialogue (...) avec le régime», s'est-il défendu. Mais le rôle du panel est d'organiser «un dialogue avec des personnalités, des partis, des syndicalistes, des gens du 'Hirak'«, le mouvement de contestation.
Il a précisé que des conditions avaient été posées à M. Bensalah: limogeage du gouvernement du Premier ministre Noureddine Bedoui, libération des personnes arrêtées en lien avec la contestation, caractère contraignant des décisions du panel, notamment. «Si ces conditions ne sont pas satisfaites, nous n'irons pas au dialogue», a-t-il assuré.
Depuis la démission de M. Bouteflika, le «Hirak» refuse que ses anciens fidèles toujours au pouvoir – M. Bensalah et le général Gaïd Salah en tête – organisent la présidentielle devant élire son successeur. Il réclame leur départ avant tout scrutin. Initialement convoquée le 4 juillet, la présidentielle n'a pu être organisée, faute de candidats.
Tout en rejetant cette revendication, le régime a fait plusieurs offres de dialogue pour sortir de la crise, jusqu'ici toutes refusées. Mais la dernière proposition de M. Bensalah, le 3 juillet, d'un dialogue sans participation de l'Etat ou de l'armée pour définir les modalités d'organisation du scrutin, a semblé susciter l'intérêt d'une partie de la classe politique et de la société civile. Mais pas celui des manifestants.
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