«Pas d'autre choix» En Afghanistan, les orpailleurs bravent les dettes et la mort

ATS

12.3.2024 - 07:52

Homayon arrache un morceau de galette de pain et aspire une gorgée de thé, alors que s'est tu, le temps d'une brève pause, le vacarme des outils utilisés par ses compagnons pour dénicher de l'or sur une montagne du nord-est de l'Afghanistan.

Sur cette photo prise le 24 février 2024, des mineurs afghans sont assis près de l'entrée d'un tunnel de mine d'or dans les montagnes du district de Yaftal Sufla, dans la province de Badakhshan.
Sur cette photo prise le 24 février 2024, des mineurs afghans sont assis près de l'entrée d'un tunnel de mine d'or dans les montagnes du district de Yaftal Sufla, dans la province de Badakhshan.
AFP

Keystone-SDA

Ce mécanicien de 30 ans n'a pas réussi à trouver de travail dans la ville proche de Faizabad. Alors, il s'est associé à quelques autres chômeurs pour aller creuser la roche à la recherche du métal précieux, sur les sommets de la province du Badakhshan.

«Nous étions cinq ou six sans boulot quand nous sommes venus ici voir si nous pouvions trouver quelque chose», déclare Homayon à l'AFP, pendant que ses camarades finissent leur pause, relancent les générateurs et reprennent en main leurs marteaux-piqueurs.

Dans leur petite mine artisanale, ils ont creusé quatre tunnels, mais sans trouver grand-chose. Dans le même temps, ils doivent mettre leur peu d'économies dans l'essence et leurs outils. D'autres mines du coin ont donné de l'or, assure Homayon. Ils continuent donc de creuser, l'espoir de tomber sur un bon filon l'emportant sur le risque de se retrouver endettés.

«Plus d'autre choix»

Les pertes peuvent être lourdes, admet Qadir Khan. «Il y a des gens qui se sont endettés et n'ont rien trouvé dans ce genre de tunnels», explique-t-il. «Ils ont perdu 200'000 ou 300'000 (afghanis, de 2400 à 3550 francs), et n'ont pas eu d'autre solution que d'essayer de trouver un autre boulot, gagner de l'argent et rembourser leurs dettes.»

Même à 74 ans, Qadir Khan n'a pas non plus «d'autre choix» que de continuer à travailler, confie-t-il en se penchant sur la pile de rochers qu'il s'apprête à concasser. Le retour des talibans au pouvoir en 2021 a mis fin à deux décennies de guerre avec les Américains et leurs alliés, mais la moitié de la population afghane vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.

Sharif, 60 ans, gardait auparavant du bétail. Il mine depuis maintenant un an. Deux de ses fils sont partis en Iran pour tenter d'y obtenir du travail. «Nous continuons à cultiver, mais ce n'est plus comme avant», dit-il, en se plaignant du manque d'eau, le pays subissant sa troisième année de sécheresse. Les roches sont brisées, puis transportées au bas de la montagne, où elles sont réduites en poudre.

La mort guette

Sur les flancs de la rivière Kokcha, qui s'écoule entre les pics enneigés, les hommes utilisent des seaux de fortune pour verser de l'eau sur les tas de poussière. Ensuite, ils la tamisent sur un matériau tiré de l'intérieur d'une voiture et étiré sur des morceaux de bois.

La recette du premier lavage sert à financer l'équipement pour maintenir la mine active. Ce qui est obtenu lors des deuxième et troisième lavages est partagé entre les ouvriers. Un jeune homme arrête de faire tournoyer le récipient dans lequel il sépare la roche de l'or, pour sortir de sa poche un bout de plastique enroulé autour d'une infime quantité du précieux métal, valant environ 4000 afghanis.

Fin février, 4,5 grammes d'or pouvaient être vendus pour 18'000 afghanis (211 francs), indique Homayon. Sur le marché mondial, le cours du métal jaune a atteint un sommet historique le 5 mars, en montant jusqu'à 2141 dollars l'once. Même si les chercheurs d'or afghans parviennent à en trouver en quantité significative, ils devront donner un cinquième des profits aux autorités talibanes.

En fouillant les montagnes afghanes, les mineurs ne sont pas seulement guettés par l'endettement, mais aussi par la mort. L'effondrement des mines est fréquent en Afghanistan, riche de nombreux minéraux et pierres, comme le lapis lazuli pour lequel le Badakhshan est réputé.

Les mineurs de la rivière Kokcha disent avoir perdu des amis récemment. Et le mois dernier, des médias locaux ont rapporté la mort d'un chercheur d'or dans l'effondrement d'une mine, dans la province voisine de Takhar.

En 2019, au moins 30 personnes avaient été tuées au Badakhshan quand la mine d'or qu'elles fouillaient s'était effondrée. Mais, malgré tout, les mineurs continuent à creuser. «Jusqu'ici, nous n'avons pas trouvé grand-chose», reconnaît Homayon. «Mais nous avons de l'espoir, nous avons confiance en Dieu.»