Plus de 220 personnes ont été blessées samedi à Beyrouth dans des affrontements entre manifestants et forces de l'ordre. Ces heurts sont parmi les plus violents depuis le début il y a trois mois du mouvement de contestation contre la classe politique.
La colère populaire a été exacerbée par une dégradation rapide ces dernières semaines de la situation socioéconomique et l'incapacité des autorités à former un gouvernement qui réponde aux attentes des protestataires, plus de deux mois après la démission du Premier ministre Rafic Hariri. En fin de soirée, les manifestants ont été dispersés par les forces de l'ordre qui ont arrêté plusieurs d'entre eux, selon les médias locaux.
Les violences ont commencé devant l'une des principales entrées du Parlement, au coeur de Beyrouth. Des contestataires s'en sont pris aux membres de la police anti-émeute, stationnés derrière des barricades et des barbelés.
Les manifestants, certains au visage masqué, leur ont lancé des pierres, des poteaux de signalisation et des branches d'arbres. Quelques-uns ont tenté de franchir les barbelés.
«La colère est la solution»
«Je suis là parce qu'après 90 jours dans la rue, ils continuent de se disputer les parts (du gâteau) au sein du gouvernement sans se soucier» du peuple, a déploré Maya, une manifestante de 23 ans. «La colère populaire est désormais la solution», a-t-elle martelé.
La police anti-émeute a dispersé la foule au moyen de canons à eau avant de recourir à des tirs de gaz lacrymogène. De part et d'autre de l'artère menant à l'entrée du Parlement, des vitres de panneaux publicitaires ont été brisés, selon un photographe de l'AFP, qui a fait état de cas d'évanouissement parmi la foule sous l'effet des tirs de gaz lacrymogène.
«Plus de 80 personnes ont été transportées vers les hôpitaux (...) tandis que plus de 140 autres ont été soignées sur place», a indiqué un porte-parole de la Croix-rouge, précisant que les blessés étaient des protestataires et des membres des forces de l'ordre.
«Garantir la sécurité des manifestants»
Les heurts se sont poursuivis de plus belle durant plusieurs heures. Des manifestants ont lancé des pierres et des feux d'artifices sur les forces de l'ordre. Des façades de banques ont également été endommagées par les manifestants, selon l'agence nationale de l'information (ANI).
Des inconnus ont par ailleurs mis le feu aux tentes dressées par les contestataires depuis le début du mouvement près de la place des Martyrs, au centre-ville de Beyrouth. Dans un communiqué sur Twitter, les forces de sécurité intérieure (FSI) ont déploré des actes «violents» appelant les «manifestants pacifiques à quitter les lieux urgemment pour leur propre sécurité».
Sur Twitter également, le président Michel Aoun a appelé les services de sécurité à «garantir la sécurité des manifestants pacifiques, empêcher les actes de vandalisme et préserver les biens publics et privés». Saad Hariri a quant à lui imputé les violences à des «infiltrés».
«Arrestations arbitraires»
Ces derniers jours, les protestataires ont ciblé les banques, accusées de complicité avec le pouvoir, attaquant plusieurs branches dans centre de la capitale. Des dizaines de personnes ont été arrêtées mardi et mercredi puis relâchées. Des dizaines d'autres ont été blessées, selon la Croix-Rouge libanaise.
Les ONG Amnesty International et Human Rights Watch ont déploré des «arrestations arbitraires» et un «niveau inacceptable de violence» exercée envers les manifestants.
La contestation réclame depuis le début du mouvement un gouvernement formé de technocrates et de personnalités indépendantes de la classe politique traditionnelle. Mais les tractations traînent en longueur depuis la nomination le 19 décembre d'un nouveau Premier ministre Hassan Diab, sur fond de divergences sur le partage des portefeuilles au sein des partis politiques ayant appuyé sa nomination, ce qui a attisé la colère de la rue.
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