Déjà difficiles, les négociations entre Londres et Bruxelles sur l'après-Brexit ont repris mardi dans une atmosphère encore assombrie. Le gouvernement britannique a reconnu revenir, en violation du droit international, sur ses engagements pris à la sortie de l'UE.
La volonté britannique de réviser certaines parties de l'accord encadrant la sortie de l'UE fin janvier dernier, révélée lundi par le Financial Times, a surpris les Européens. Remontés, ceux-ci ont rappelé à Londres ses obligations et mis en garde sur un coup porté à la «confiance», qui affecterait les négociations en cours.
Interrogé par les députés sur les révisions que le gouvernement compte introduire mercredi, le secrétaire d'Etat pour l'Irlande du Nord Brandon Lewis a reconnu que «cela viole le droit international d'une manière très spécifique et limitée». Le gouvernement compte retoucher pour le «clarifier» le protocole prévoyant des arrangements douaniers pour l'Irlande du Nord.
Ce texte vise à garantir l'absence de frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande, membre de l'UE, et à éviter la résurgence de tensions dans cette région, ensanglantée par trois décennies de «Troubles» jusqu'à la signature de l'accord de paix du Vendredi saint en 1998. Cette révision vise à s'assurer que les «personnes et les entreprises d'Irlande du Nord aient un accès sans entraves à l'ensemble du marché britannique», a expliqué Brandon Lewis.
Agacement et démission
Ce revirement a agacé y compris sur le sol britannique, jusqu'à l'ancienne Première ministre Theresa May, qui avait démissionné après avoir buté sur la question de l'Irlande du Nord dans les négociations sur le Brexit. Devant les députés, elle a demandé à M. Lewis comment le gouvernement pouvait rassurer ses futurs partenaires internationaux sur le fait qu'il tiendrait ses engagements.
Selon le Financial Times, le directeur des services juridiques du gouvernement britannique, Jonathan Jones, a démissionné en raison de cette révision.
Climat tendu
Les négociations ont repris mardi après-midi dans un climat tendu, d'autant que Londres menace de claquer la porte si des progrès ne sont pas réalisés cette semaine. Avant les pourparlers qui doivent se poursuivre jusqu'à jeudi, le négociateur britannique David Frost a appelé l'UE à «faire preuve de plus de réalisme sur le statut de pays indépendant» du Royaume-Uni.
Le Royaume-Uni a formellement quitté l'UE le 31 janvier, près de quatre ans après un référendum historique marquant la fin de 46 ans d'un mariage houleux. Mais il reste régi par la réglementation européenne jusqu'à fin décembre, période de transition pendant laquelle les deux parties tentent de conclure un accord de libre-échange.
Les négociations butent notamment sur la pêche et les conditions de concurrence équitable. Le temps presse, Bruxelles voulant un accord d'ici à la fin octobre pour permettre une ratification dans les temps.
Pas d'accord mais la liberté
Le Premier ministre Boris Johnson a averti de son côté que faute de compromis d'ici au sommet européen du 15 octobre, il se satisferait d'un «no deal» malgré les risques de dégâts économiques en période de crise historique provoquée par la pandémie de nouveau coronavirus.
Il a même estimé lundi que cela représenterait «une bonne issue» permettant au Royaume-Uni de «prospérer» car il aurait «la liberté de conclure des accords commerciaux avec tous les pays du monde». Mais les milieux d'affaires se montrent plus inquiets et la livre s'est orientée à la baisse pour la deuxième journée consécutive mardi.
Outre l'UE, le gouvernement britannique tente de décrocher d'ici à la fin de l'année un accord ambitieux avec les autres grandes puissances, notamment les Etats-Unis avec lesquels le quatrième round de négociations débute mardi. Mais rompre ses engagements au péril de la paix en Irlande du Nord pourrait nuire aux négociations du Royaume-Uni avec d'autres pays.