CubaL'opposant Yunior Garcia a vu son défi stoppé par les autorités
ATS
14.11.2021 - 23:49
L'opposant cubain Yunior Garcia a été empêché dimanche de sortir défiler en solitaire à La Havane. Le président Miguel Diaz-Canel a dénoncé une volonté de «perturber l'ordre interne», à la veille d'une manifestation convoquée par la dissidence.
Keystone-SDA
14.11.2021, 23:49
ATS
Vers 15h00 (21h00 en Suisse), l'heure prévue pour sa marche, plusieurs dizaines de personnes lui criaient «Je suis Fidel» en bas de son immeuble, lors d'un acte de répudiation – pratique généralement utilisée contre les dissidents -, selon une vidéo diffusée sur Twitter par la télévision vénézuélienne Telesur, autorisée à s'approcher.
Depuis la matinée, ce dramaturge de 39 ans, devenu depuis un an le fer de lance d'une nouvelle génération de dissidents cubains stimulée par l'essor des réseaux sociaux, était bloqué chez lui, dans le quartier populaire de la Coronela.
«Aujourd'hui je me suis réveillé avec mon domicile assiégé, tout l'immeuble est cerné d'agents de la Sécurité de l'Etat habillés en civil», a-t-il annoncé dans une vidéo sur Facebook. Une équipe de l'AFP a pu constater que sa rue était bloquée par une forte présence d'agents en civil, sur la chaussée et les toits des immeubles.
«Défendre le socialisme»
Alors que des hommes avaient déployé de gigantesques drapeaux cubains sur la façade de son immeuble, le dissident a tendu la main de sa fenêtre pour faire apparaître une rose blanche, avec laquelle il avait l'intention de défiler.
«Cuba va vivre en paix», a de son côté promis le président Miguel Diaz-Canel face à environ 70 étudiants communistes, qui organisent depuis vendredi soir un sit-in au Parque Central, près du Capitole, en soutien au gouvernement.
Portant un foulard rouge autour du cou comme les étudiants, il s'est assis en tailleur au milieu d'eux, promettant de «défend(re) le socialisme» et «condamn(er) les campagnes pour perturber l'ordre interne, les campagnes médiatiques contre Cuba».
Deux hommes arrêtés
Les autorités accusent Yunior Garcia et les autres organisateurs de la manifestation prévue lundi – qu'ils ont interdite – d'être des agents entraînés et financés par Washington pour provoquer un changement de régime.
Dimanche, le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a appelé «le gouvernement cubain à respecter les droits des Cubains, en les laissant se rassembler de manière pacifique». M. Blinken «doit apprendre une bonne fois pour toutes que le gouvernement cubain n'est redevable qu'envers son peuple et rejette en son nom l'intromission des Etats-Unis», lui a rétorqué via Twitter le ministre des Affaires étrangères Bruno Rodriguez.
Dans l'après-midi, deux hommes qui criaient «Liberté» et «Démocratie» au Parque Central ont été arrêtés par la police, a constaté un journaliste de l'AFP.
Yunior Garcia avait prévu de marcher seul dimanche sur une avenue havanaise, malgré la menace d'être arrêté, car il craignait la violence pouvant éclater lundi lors de la manifestation de l'opposition pour la libération des prisonniers politiques, à La Havane et dans six provinces.
Le groupe de débat politique sur Facebook Archipiélago, qu'il a créé, avec plus de 30'000 membres dans et en dehors de Cuba, maintient son appel à défiler lundi. Mais selon lui, au moins six coordinateurs du groupe sont empêchés depuis samedi de sortir de chez eux par les forces de l'ordre. Le dissident Guillermo Fariñas a lui été arrêté vendredi.
Manifestation à Miami
La manifestation coïncidera avec la réouverture de l'île au tourisme international, le retour à l'école des élèves du primaire et la célébration du 502e anniversaire de La Havane.
Elle survient quatre mois après les manifestations historiques du 11 juillet, aux cris de «Nous avons faim» et «Liberté», qui se sont soldées par un mort, des dizaines de blessés et 1270 personnes arrêtées, dont 658 restent détenues, selon l'ONG Cubalex. En soutien dimanche, quelque 200 personnes ont défilé à Miami, où vit une grande partie de la communauté cubaine exilée.
La manifestation, devenue le grand sujet de conversation à Cuba, a été planifiée presque exclusivement via l'internet mobile, arrivé à Cuba fin 2018. C'est sans doute pour cela que beaucoup redoutent lundi une coupure d'internet, comme celle survenue lors des manifestations du 11 juillet.
Samedi, les autorités cubaines ont retiré les accréditations des cinq journalistes de l'agence espagnole de presse Efe à La Havane, invoquant «la réglementation sur la presse étrangère», sans donner de raison exacte, a déclaré le chef de la rédaction Atahualpa Amerise à l'AFP.
Dimanche matin, il a annoncé sur Twitter qu'une rédactrice et le caméraman avaient récupéré leurs accréditations à l'issue de «négociations». A Madrid, les autorités espagnoles ont convoqué le chargé d'affaires de l'ambassade cubaine pour «demander des explications», selon des sources diplomatiques. L'ambassade espagnole à La Havane est aussi intervenue. Reporters sans frontières a condamné «un fait gravissime».