Scandales et extrême droite «Lorsqu'on regarde l'histoire de l'Allemagne, on comprend qu'il faut...»

AFP

19.4.2024

Quand Tim Lochner, charpentier de son métier, a décidé de briguer la mairie de la ville allemande de Pirna, il savait qu'il aurait de meilleures chances de l'emporter s'il se présentait sous les couleurs du parti d'extrême droite AfD.

Björn Höcke, considéré comme l'homme fort de l’AfD, est jugé depuis jeudi pour avoir utilisé un slogan nazi interdit lors d'une campagne électorale.
Björn Höcke, considéré comme l'homme fort de l’AfD, est jugé depuis jeudi pour avoir utilisé un slogan nazi interdit lors d'une campagne électorale.
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AFP

«Mon succès m'a donné raison», déclare-t-il à l'AFP lors d'un entretien à l'hôtel de ville de sa commune de quelque 40.000 habitants située aux portes de la «Suisse saxonne», une région touristique de montagnes et de hauts-plateaux au coeur de la Saxe, dans l'ex-RDA communiste.

Surfant sur une vague de soutien à l'Alternative pour l'Allemagne (AfD) dans toute l'Allemagne, M. Lochner a obtenu 38,5 % des voix contre deux autres candidats en décembre, devenant le premier maire d'une ville de taille moyenne dans le pays élu sous la bannière de ce mouvement.

Quatre mois plus tard, le tableau est moins rose pour le parti anti-euro et anti-immigration, dont la popularité souffre de plusieurs controverses. Mais le maire reste convaincu que l'AfD va briller aux élections européennes du 9 juin, et en Allemagne, aux scrutins communaux le même jour, puis enfin à des élections régionales dans l'est du pays (Brandebourg, Saxe, Thuringe) en septembre.

Car rien n'a changé: «Les portefeuilles des gens sont aussi vides qu'ils l'étaient avant-hier», affirme-t-il. A Pirna, ils restent préoccupés par les prix élevés de l'essence, de l'énergie et des denrées alimentaires, dit-il.

Scandales

Fin 2023, à son apogée, l'AfD recueillait jusqu'à 22% des intentions de vote, profitant des inquiétudes liées à l'augmentation de l'immigration, l'inflation élevée et une économie chancelante.

Désormais, le parti pointe autour de 18%, mais reste en deuxième position derrière l'opposition conservatrice et devant le parti social-démocrate d'Olaf Scholz.

Cette érosion s'explique par la révélation en janvier d'une réunion d'identitaires ultra à Potsdam où plusieurs membres de l'AfD ont discuté de l'expulsion massive de personnes d'origine étrangère. Elle a provoqué une onde de choc dans le pays, toujours hanté par son passé nazi, et une énorme vague de protestations dans les rues.

Plus récemment, les deux têtes de liste de l'AfD aux européennes ont été accusés d'avoir été payés pour diffuser des positions prorusses sur un site web d'information financé par Moscou, ce qu'elles nient.

Et Björn Höcke, chef du parti en Thuringe et considéré comme l'homme fort de la formation, est jugé depuis jeudi pour avoir utilisé un slogan nazi interdit lors d'une campagne électorale.

Selon le politologue Hajo Funke, le scandale de la propagande russe en particulier est susceptible de nuire au parti lors des élections et faire échouer «l'objectif stratégique central de l'AfD», à savoir prendre le pouvoir dans l'un des trois Länder en jeu, dit-t-il au journal Rheinische Post.

«Les gens sont mécontents»

A Pirna, une retraitée se dit «heureuse» d'avoir un maire AfD «parce qu'ils abordent nos problèmes (et) les abordent honnêtement». «La criminalité augmente. Je vois partout des Ukrainiens qui achètent plein de choses, tandis que les retraités doivent se débrouiller pour joindre les deux bouts. Et c'est injuste. Et je ne suis pas non plus favorable à l'envoi d'armes pour soutenir l'Ukraine», lâche cette femme qui veut garder l'anonymat.

«Je ne suis pas un fan, mais attendons de voir. Ce n'est pas parce qu'il vient de l'AfD que cela doit mal se passer», ajoute un brin fataliste, Sven Jacobi, un chauffeur de taxi de 49 ans qui dit ne pas avoir voté AfD.

Le maire a aussi des opposants. Quand il a prêté serment, environ 800 personnes ont protesté devant l'hôtel de ville à l'initiative de «SOE Gegen Rechts», une association de jeunes contre l'extrême droite.

«Lorsqu'on regarde l'histoire de l'Allemagne, on comprend clairement qu'il faut (...) empêcher que cela se reproduise», dit une de ses militantes, Madeleine Gröbe, 17 ans.

«L'AfD s'attaque aux homosexuels et aux migrants, en particulier sur les réseaux sociaux», renchérit un autre militant, Fritz Enge, 15 ans, «et je suis totalement en désaccord avec cela». Madeleine Gröbe se réjouit néanmoins d'avoir vu beaucoup de gens participer à la manifestation. «Je crois qu'il ne faut pas l'oublier», dit-elle.