PrésidentielleMacron ou Le Pen, continuité ou incertitude pour la Suisse
ck
11.4.2022 - 16:06
La Suisse s'attend à une certaine continuité en cas de réélection du chef de l'Etat français sortant Emmanuel Macron, souhaitée par les marchés, tandis qu'une période d'incertitude devrait débuter si la candidate d'extrême-droite Marine Le Pen devenait la première présidente du pays le 24 avril.
Keystone-SDA, ck
11.04.2022, 16:06
11.04.2022, 16:11
ATS
Si Emmanuel Macron, arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle française dimanche, est reconduit à l'Elysée lors du second tour le 24 avril, «ce ne serait pas une grande rupture», a déclaré auprès d'AWP Olivier Crevoisier, professeur d'économie territoriale à l'université de Neuchâtel.
«Nous avons déjà l'expérience des relations entre la Suisse et la France de M. Macron. Je serais surpris qu'il adopte une politique différente de celle qu'il a eu au cours des cinq dernières années».
Peu de nouveautés sont à attendre
De même, Heiner Mikosch, qui travaille au Centre d'études conjoncturelles de l'EPF de Zurich (KOF), estime que peu de nouveautés sont à attendre en cas de réélection du candidat de La République en marche au programme jugé libéral et pro-européen. Du point de vue des marchés, seule une réaction positive limitée dans le temps est attendue si M. Macron repart pour un quinquennat à la tête du cinquième partenaire commercial de la Suisse en 2020.
Pour John Plassard de Mirabaud, «dire qu'une victoire de Marine Le Pen est impossible dans deux semaines serait faire preuve de mémoire (très courte)», invoquant le Brexit et la victoire de Donald Trump qui «n'étaient absolument pas prévus par les instituts de sondage». En 2017, Emmanuel Macron avait battu Marine Le Pen par 66,1% contre 33,9% au second tour, mais «cette fois-ci les scores devraient être beaucoup plus serrés (quel que soit le vainqueur)».
Incompatibilité européenne
En cas d'arrivée de la candidate du Rassemblement national au pouvoir, «il y aura une certaine incertitude du point de vue du cadre institutionnel», a expliqué M. Crevoisier. «La France est un pays qui compte dans l'Europe et si elle veut s'éloigner de ce cadre, les réformes seront nécessaires», a ajouté le spécialiste.
Marine Le Pen ne propose plus directement de sortir la France de l'Union européenne ou de la monnaie unique, mais une partie de son programme serait incompatible avec le cadre des traités européens actuels.
Si des attentes vers plus de démocratie sont fortes en France, le professeur met en garde contre des «référendums couperets», à l'image du Brexit, avec «des prises de risques politiques extrêmement fortes, sans véritable débat».
Quant à la question des frontaliers français travaillant en Suisse, Marine Le Pen devrait «avoir une attitude pragmatique».
Un «choc» pour les marchés boursiers
Heiner Mikosch table sur un «choc» pour les marchés boursiers ainsi qu'une réaction négative des investisseurs européens qui auront le sentiment «de ne pas savoir ce qui viendra demain». Cela péjorerait les «chances de croissance» en France. Les entreprises qui font des affaires avec le pays voisin, notamment en Suisse romande, risquent de le ressentir encore plus fortement, selon lui.
Que ce soit pour l'un ou l'autre candidat, Jan Atteslander, en charge des relations extérieures chez Economiesuisse, ne voit «pas encore un programme économique concret qui aurait un effet sur les relations avec la Suisse». «Il est encore trop tôt pour se prononcer», a-t-il résumé.
Selon lui, «il est important d'approfondir les relations qui sont excellentes entre les deux pays. La Suisse est devenue parmi les trois plus grands investisseurs directs en France, avec des succursales, des usines, des entreprises de services. Mais c'est au-delà du gouvernement, cela se joue aussi dans une relation entre secteur privé de chaque côté de la frontière».
Pour Jeffrey Halley, analyste de marché chez Oanda, si M. Macron est sorti en tête du premier tour, «l'incertitude des élections françaises sera une raison supplémentaire pour la BCE (Banque centrale européenne) de ne pas intervenir cette semaine», sachant qu'elle «freine déjà toute progression de l'euro». Selon lui, une victoire de Mme Le Pen serait un séisme encore plus important que le Brexit.