SoudanManifestant tué dans des défilés contre le pouvoir militaire au Soudan
ATS
14.2.2022 - 18:07
Un manifestant a été tué lundi à Khartoum lors de nouveaux défilés pour réclamer la chute du nouveau pouvoir militaire et la fin des rafles. Celles-ci continuent de décimer les rangs des opposants au putsch.
Keystone-SDA
14.02.2022, 18:07
14.02.2022, 18:50
ATS
Depuis le coup d'Etat le 25 octobre du chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, les manifestants demandent justice pour les dizaines de personnes tuées par la répression du nouveau régime. La 80e et dernière victime lundi, «touchée au cou et à la poitrine» par des «tirs des forces de sécurité», a succombé à ses blessures, selon un syndicat de médecins prodémocratie.
Sous une nuée de drapeaux du Soudan et des ballons rouges – Saint Valentin oblige -, les milliers de manifestants à Khartoum ont également essuyé des tirs de grenades lacrymogènes, notamment près du Parlement à Omdourman, la banlieue nord-ouest de la capitale.
Libération des détenus d'opinion
Cette semaine, les manifestations – qui ont également lieu au Darfour (ouest) ou dans l'est côtier – ont aussi pour mot d'ordre la libération des détenus d'opinion, alors que les autorités viennent de renvoyer derrière les barreaux deux anciens hauts dirigeants civils du pays. Ces derniers partageaient le pouvoir avec le général Burhane jusqu'au putsch.
«Nous exigeons la libération des membres des Comités de résistance et des politiciens injustement arrêtés sur la base de fausses accusations», lance à l'AFP Khaled Mohamed, qui défile à Omdourman.
La veille, Mohammed al-Fekki, ancien membre du Conseil souverain, plus haute autorité de la transition au Soudan, a été renvoyé en prison. Avant lui, la semaine dernière, l'ex-ministre Khalid Omer Yousif avait également été arrêté.
Comités de résistance
Les Comités de résistance – les groupements de militants par quartiers qui appellent aux manifestations et organisent la lutte contre le pouvoir militaire – sont désormais la colonne vertébrale de l'opposition au Soudan, où les partis politiques peinent à défendre leur partenariat avec l'armée avant le putsch.
Très actifs, ils sont dans le viseur des autorités et près de quatre mois après le coup d'Etat, «le nombre de personnes détenues arbitrairement et sans inculpation a dépassé la centaine», selon l'Association des professionnels soudanais (APS), fer de lance du soulèvement populaire qui renversa en 2019 le dictateur Omar el-Béchir.
L'APS dit s'inquiéter du sort de ces militants, politiciens, universitaires ou simples manifestants âgés «de 16 à 60 ans» et dont certains souffrent de «problèmes de santé».
Grève de la faim
Pour protester contre leurs conditions de détention, plusieurs d'entre eux, des «révolutionnaires, politiciens et membres des comités de résistance (...) détenus sans mandat d'arrêt» selon un syndicat de médecins prodémocratie, ont entamé une grève de la faim à la prison de Soba en périphérie de la capitale.
Les rafles qui n'en finissent plus ne cessent de susciter l'indignation de la communauté internationale, qui accuse les généraux de jouer double jeu: d'un côté, ils acceptent l'idée de dialogue national proposée par l'ONU, de l'autre, ils font arrêter les opposants – parfois en pleine réunion politique.
Menaces américaines
Washington a déjà prévenu que la poursuite de la répression «aura des conséquences», laissant planer la menace de sanctions contre les forces soudanaises ou certains de leurs commandants.
Jusqu'ici, aucune mesure de rétorsion n'a visé des personnes ou des institutions mais les Etats-Unis ont suspendu 700 millions de dollars d'aide, tandis que la Banque mondiale a cessé tous ses paiements au pays, l'un des plus pauvres au monde.
«Pour moi, les sanctions, les menaces, les mises en garde n'ont aucun intérêt ni aucune base», a rétorqué samedi le général Burhane à la télévision d'Etat, soulignant que le budget décrété dans la foulée du putsch était auto-suffisant alors que les deux années précédentes, l'aide internationale représentait 40% des recettes de l'Etat.