Nouveau premier ministreMario Draghi, le sauveur de la zone euro au chevet de l'Italie
ATS
12.2.2021 - 20:32
Mario Draghi, l'homme qui est crédité d'avoir sauvé la zone euro en 2012 en pleine crise de la dette, est désormais au chevet d'un de ses maillons faibles, l'Italie. Il en a pris les commandes pour la sortir de sa crise politique et économique.
Son leitmotiv ? «Ne jamais abandonner», avait-il confié à la presse peu avant de passer la main à Christine Lagarde à la tête de la Banque centrale européenne en octobre 2019, à l'issue d'un mandat agité, marqué par des tempêtes boursières et des tiraillements au sein de l'institution.
Pour Benoît Coeuré, ancien membre du directoire de la BCE, Mario Draghi «a un sens profond du service public et du devoir». Il a montré à l'égard des politiques «de la conviction mais jamais de l'arrogance», ajoute-t-il.
En huit années, sous la houlette de M. Draghi, la BCE a pris des mesures encore inimaginables aux débuts de l'euro il y a 20 ans : baisse des taux jusqu'en territoire négatif, injections de liquidités via des achats massifs d'actifs sur les marchés et des prêts géants aux banques.
Mario Draghi a succédé en novembre 2011 au Français Jean-Claude Trichet à la tête de la BCE, dans une zone euro secouée par la crise de la dette. Dès l'été 2012, il doit faire face à une poussée de fièvre des taux d'emprunt de pays aux finances exsangues, dont l'Italie et la Grèce, et à la menace d'implosion du bloc monétaire.
Surnommé «Super Mario», le banquier central improvise alors quelques mots dans un discours à Londres. Il se dit «prêt à tout» – «whatever it takes» en anglais – pour soutenir la zone euro. Ces mots magiques ont aussitôt rassuré les marchés et sauvé de l'avis général la monnaie unique.
Et ce alors qu'il avait soutenu le contraire dans sa thèse en économie présentée en 1970 à l'université La Sapienza de Rome, selon son propre aveu: «J'avais conclu que la monnaie unique était une folie, quelque chose qu'il ne fallait absolument pas faire».
«Comte Draghila»
Ses détracteurs, surtout en Allemagne et aux Pays-Bas, dénonçaient un encouragement aux pays surendettés de ne pas se réformer et déploraient la «ruine» des épargnants en raison des taux d'intérêt très bas. Cette politique lui a valu d'être dépeint par le quotidien populaire allemand Bild sous les traits du «comte Draghila», le vampire qui «siphonne nos comptes jusqu'à la dernière goutte».
«Quand il a décidé, c'est difficile de lui faire changer d'avis», confie un proche de M. Draghi. Mais il sait aussi «montrer de l'empathie envers les individus et leurs souffrances individuelles, en particulier chez les jeunes frappés par la crise», souligne M. Coeuré.
Cheveux poivre et sel, costume-cravate sobre, profil aquilin, cet Italien affable de 73 ans a cependant toujours pris garde de ne pas défendre le «Sud». Formé chez les jésuites, Mario Draghi est un homme réputé pour sa discrétion, son sérieux et sa détermination, qui goûte peu les mondanités romaines.
Né à Rome le 3 septembre 1947, marié et père de deux enfants, Mario Draghi est titulaire d'un doctorat en économie du prestigieux Massachusetts Institute of Technology (MIT). Professeur d'économie dans plusieurs universités italiennes, il a représenté son pays à la Banque mondiale de 1984 à 1990, avant de devenir en 1991 directeur général du Trésor italien, un poste qu'il occupera 10 ans sous neuf gouvernements de gauche comme de droite.
«Socialisme libéral»
A ce titre, il sera l'homme-orchestre des grandes privatisations menées de 1996 à 2001. Il rejoint en 2002 la direction de la banque américaine Goldman Sachs. Une expérience qui lui vaut encore aujourd'hui des critiques, la banque américaine, accusée notamment d'avoir maquillé les comptes de la Grèce, symbolisant pour beaucoup les excès de Wall Street.
Banquier reconnu, il a été choisi fin 2005 pour redorer le blason de la Banque d'Italie, terni par son prédécesseur Antonio Fazio, impliqué dans un scandale bancaire. Un mandat durant lequel M. Draghi est devenu une personnalité de premier plan en Italie.
En janvier 2021, un mouvement de citoyens s'est créé pour réclamer que cet économiste inclassable, adepte du «socialisme libéral» pendant sa jeunesse, «respecté et écouté par tous et dans le monde entier», prenne les rênes du pays «pour sauver l'Italie».