«Vers un Monténégro réconcilié» Le vétéran Djukanovic perd la présidentielle après des décennies au pouvoir

bu

2.4.2023 - 22:38

La scène politique du Monténégro a été bouleversée dimanche soir par la défaite à la présidentielle du vétéran Milo Djukanovic, après trois décennies de règne dans le minuscule pays des Balkans. Il s'est incliné face au nouveau venu Jakov Milatovic.

Jakov Milatovic, 36 ans, a obtenu environ 60% des voix, contre 40% à son rival.
Jakov Milatovic, 36 ans, a obtenu environ 60% des voix, contre 40% à son rival.
ATS

Keystone-SDA, bu

L'issue du second tour de la présidentielle sera déterminante pour l'équilibre des pouvoirs dans ce pays riverain de l'Adriatique, à l'approche de législatives anticipées convoquées pour le 11 juin après des mois de blocage, avec un gouvernement censuré qui ne gère que les affaires courantes.

D'après les projections de l'ONG CeMI portant sur la quasi-totalité des bureaux de vote, Jakov Milatovic, 36 ans, a obtenu environ 60% des voix, contre 40% à son rival.

«Je félicite le nouveau président Jakov Milatovic», un économiste pro-européen, a déclaré à la presse Ana Nenezic, la directrice de cette ONG.

Dans les rues de Podgorica et d'autres villes du pays, les partisans du candidat du mouvement «Europe maintenant» célébraient sa victoire en faisant exploser des feux d'artifice et en klaxonnant.

Milo Djukanovic est depuis plus de 30 ans un incontournable de la scène politique du Monténégro, exerçant à de multiples reprises les fonctions de Premier ministre ou de président.

«Défaite de l'ancien régime»

C'est son plus important revers depuis la défaite historique de son parti, le Parti démocratique des socialistes (DPS), lors des dernières législatives de 2020. Depuis lors, le pays allait de crise en crise, avec la chute de deux gouvernements.

«Je suis convaincu de ma victoire», a déclaré Jakov Milatovic en votant. «Elle représentera la défaite finale du symbole de l'ancien régime» et «nous ferons un pas de géant vers un Monténégro réconcilié, plus riche, plus juste».

Selon les analystes, Jakov Milatovic a pu compter sur les voix d'électeurs avides de changement. Milo Djukanovic était arrivé aux commandes à 29 ans, alors soutenu alors par l'homme fort de Serbie, Slobodan Milosevic.

A mesure que la Serbie devenait un paria sur la scène internationale, il a pris ses distances. Il s'est rapproché de l'Occident, a rompu avec Belgrade, a obtenu l'indépendance du Monténégro lors d'un référendum en 2006. Son pays a rejoint l'Otan, est devenu candidat à l'Union européenne et est sorti de la sphère d'influence russe.

Mais ses contempteurs l'accusent de clientélisme, de corruption généralisée et de liens avec le crime organisé, ce que l'intéressé dément avec force.

«On a un homme au pouvoir ici depuis 30 ans, qui est l'incarnation même de la dictature, de l'abus de pouvoir, qui a rendu la corruption possible, qui a permis à la criminalité de s'épanouir», a dit à l'AFP Mladen Vukovic, médecin à Podgorica.

Vulnérabilité à l'ingérence

Milo Djukanovic a mené campagne en mettant en doute la sincérité de l'ancrage européen de son rival et de son mouvement «L'Europe maintenant», tout en l'accusant d'être vulnérable à l'ingérence serbe.

Ce à quoi Jakov Milatovic a répliqué que sa «priorité numéro un pour le Monténégro était une adhésion pleine et entière à l'Union européenne». Il s'est également dit favorable à de «bonnes relations avec la Serbie comme avec toutes les nations des Balkans occidentaux».

Depuis des années, Milo Djukanovic cherche à limiter l'influence de la Serbie et à consolider une identité nationale séparée du Monténégro. Une tâche peu aisée dans un pays où un tiers des 620.000 habitants s'identifient comme serbes.

Jakov Milatovic, un ancien de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), est entré en politique en devenant ministre du Développement économique dans le premier gouvernement formé après les législatives de 2020.

Qualifié de populiste par certains, ce père de trois enfants s'est fait particulièrement apprécier en imposant un programme économique controversé qui a quasiment doublé le salaire minimum à 450 euros.

Pour de nombreux électeurs, le scrutin doit déboucher sur de meilleures conditions économiques au Monténégro, qui subit, comme le reste des Balkans, l'exode de sa jeunesse.

En tout état de cause, le président a essentiellement un rôle de représentation et le Premier ministre détient les principaux leviers du pouvoir.