Brésil Multiplication de raids aériens à Rio

ATS

24.11.2019 - 02:08

D'après l'ONG locale Redes da Maré, des hélicoptères ont été utilisés lors de huit des 21 opérations policières qui ont fait 15 morts au total dans l'ensemble de favelas de Maré au premier semestre. Un chiffre en hausse par rapport à 2018.
D'après l'ONG locale Redes da Maré, des hélicoptères ont été utilisés lors de huit des 21 opérations policières qui ont fait 15 morts au total dans l'ensemble de favelas de Maré au premier semestre. Un chiffre en hausse par rapport à 2018.
Source: KEYSTONE/AP/LEO CORREA

Pour les habitants des favelas de Rio de Janeiro en proie à la violence, le danger vient aussi du ciel, avec des snipers de la police qui tirent, depuis des hélicoptères, près des crèches ou des écoles. Comme dans un pays en guerre.

D'après l'ONG locale Redes da Maré, des hélicoptères ont été utilisés lors de huit des 21 opérations policières qui ont fait 15 morts au total dans l'ensemble de favelas de Maré au premier semestre. Des raids aériens n'avaient eu lieu que lors de trois opérations pour l'ensemble de 2018.

«Quand ils volent en rase-mottes, on a l'impression qu'ils vont se poser sur nos maisons. Le bruit est assourdissant et les vitres tremblent», explique Thais Custodio, une habitante de Maré, un ensemble de 16 favelas regroupant plus de 140'000 personnes près de l'aéroport international de la capitale touristique du Brésil.

Ces habitations souvent précaires ont été bâties sur une surface plane, une topographie qui facilite les raids d'hélicoptères, contrairement à d'autres quartiers pauvres installés sur les flancs raides des collines.

Des vols de repérages

Pour Camila Barros, qui mène des recherches et collecte des données sur la sécurité pour Redes da Maré, rien ne permet de savoir si des tirs provenant d'hélicoptères ont été mortels. Selon elle, les aéronefs servent surtout à repérer les narcotrafiquants armés, qui se partagent le territoire, et les tirs à les faire fuir.

«Ils volent très bas, en faisant des mouvements circulaires, pour acculer des suspects et les rabattre vers des agents au sol qui se chargent des exécutions», explique Camila Barros. «En juin, nous sommes allés sur les lieux d'une opération quelques heures plus tard et nous avons vu plus de cent impacts de balles», raconte-t-elle.

Selon l'Institut de Sécurité Publique (ISP), plus de 1400 personnes ont été tuées par la police de janvier à septembre dans l'Etat de Rio, une hausse de 18,5% par rapport à la même période de l'année dernière.

Multiplication des raids

En 2009, un hélicoptère de la police avait été abattu par des narcotrafiquants qui tiraient depuis une colline du nord de Rio, un épisode qui avait fait trois morts et laissé des traces. Mais dix ans plus tard, les raids aériens des forces de l'ordre ont commencé à se multiplier.

Pour Silvia Ramos, spécialiste du Centre de recherches sur la sécurité et la citoyenneté (Cesec), le recours accru aux hélicoptères est directement lié à l'arrivée en janvier d'un nouveau gouverneur à la tête de l'Etat de Rio de Janeiro, Wilson Witzel.

Adepte d'une ligne dure proche de celle du président d'extrême droite Jair Bolsonaro, il a défrayé la chronique en mai, en apparaissant sur une vidéo à bord d'un hélicoptère dans lequel des policiers tiraient sur une favela. «Auparavant, l'utilisation des hélicoptères était une exception, mais elle est de plus en plus fréquente avec ce gouvernement», dit Silvia Ramos.

«On observe une multiplication des opérations meurtrières et qui sèment la terreur», ajoute-t-elle, soulignant l'effet psychologique des raids aériens sur les habitants», effrayés à l'idée de prendre une balle perdue.

«En guerre civile»

Comment justifier un usage de la force digne des zones de conflits les plus violents de la planète? «Nous sommes en guerre civile», a affirmé à l'AFP le député de droite Capitao Augusto, un des leaders du lobby des pro-armes du Parlement. «Si une personne est armée d'un fusil d'assaut, elle représente un danger et doit être abattue, peu importe si c'est par un sniper, un drone ou depuis un hélicoptère», ajoute-t-il.

Redes da Maré a recueilli en août 1500 dessins d'enfants. Dans de nombreux cas, ceux-ci ont représenté des hélicoptères, avec des pointillés pour les rafales de balles. Sur un dessin, on peut lire «je n'aime pas l'hélicoptère parce qu'il y a des tirs et les gens meurent».

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ATS