PrésidentielleEn route pour un sixième mandat à la tête de l'Ouganda
fasc
16.1.2021 - 23:08
A 76 ans, le président de l'Ouganda Yoweri Museveni, au pouvoir depuis 1986, a été réélu avec 58,64%, à l'issue d'un scrutin vivement contesté par son rival Bobi Wine, qui dénonce de multiples fraudes.
M. Wine, Robert Kyagulanyi de son vrai nom, a obtenu 34,83% des voix, a annoncé samedi la commission électorale de ce pays d'Afrique de l'Est.
La participation a été de 57,22%: environ 10,3 millions d'Ougandais se sont rendus aux urnes pour ce scrutin sous haute surveillance, durant lequel les autorités ont suspendu l'accès à internet et aux réseaux sociaux, après une campagne particulièrement violente.
Bobi Wine, député de 38 ans et principal rival de M. Museveni parmi les 10 candidats d'opposition, a contesté par avance les résultats du scrutin dès vendredi, en dénonçant «une mascarade complète» et en estimant avoir «largement remporté» l'élection.
L'ancien chanteur de ragga, qui a galvanisé une partie de la jeunesse ougandaise, a dénoncé des fraudes massives – telles que des bourrages d'urnes, des bulletins préremplis, des électeurs n'ayant reçu des bulletins que pour les législatives ou des agressions contre les observateurs de son parti, parfois chassés des bureaux de vote.
Depuis vendredi soir, des soldats encerclent son domicile, en périphérie de la capitale, Kampala. Son parti dénonce «une assignation à résidence», là où le gouvernement affirme que les militaires assurent sa sécurité.
Eviter la violence
Le président de la commission électorale, Simon Mugenyi Byabakama, a appelé la population à «rester calme et accepter le résultat de ces élections».
Après l'annonce de sa victoire, M. Museveni a remercié ses partisans lors d'un discours télévisé et déclaré que désormais «la seule chose à éviter est la violence».
Le parti de M. Wine, la Plateforme de l'unité nationale (NUP), n'a pas exclu la possibilité de manifestations, comme lors de la campagne. En novembre, une énième arrestation de M. Wine avait provoqué des protestations au cours desquelles 54 personnes avaient été tuées.
«Les gens sont en colère parce que leur vote a été volé. Ils n'ont pas besoin de moi ou de Bobi pour leur dire de se mettre en colère», a déclaré à l'AFP le porte-parole du NUP, Joel Ssenyonyi. «Même nous, nous ne pouvons pas les contrôler.»
Scrutin «fondamentalement biaisé»
Dans la banlieue de Kampala, Dennis Agaba était déçu par la défaite de M. Wine. «L'élection n'a pas été juste», souffle ce charpentier de 31 ans.
De son côté, John Onyango célébrait la victoire, poster de M. Museveni coiffé de son éternel chapeau de safari en main: «Je le soutiens car il amené la prospérité et la sécurité».
Avant les résultats, M. Museveni a averti la population que contester violemment l'élection serait considéré comme une «trahison».
La police a conseillé aux Ougandais de ne pas sortir pour célébrer ou contester les résultats, invoquant les mesures de lutte contre le Covid-19, les mêmes utilisées durant la campagne pour empêcher les rassemblements de l'opposition.
Selon M. Wine, cette élection a fait l'objet du «pire trucage jamais connu» en Ouganda. Il a promis de fournir des preuves vidéos une fois l'accès à internet rétabli.
Des craintes sur l'équité du scrutin avaient émergé depuis des semaines. Depuis son accession au pouvoir, M. Museveni a toujours été réélu au premier tour, souvent avec des soupçons de fraude.
Le secrétaire d'Etat adjoint américain aux Affaires africaines, Tibor Nagy, a estimé sur Twitter le vote «fondamentalement biaisé», dénonçant le refus d'accréditer des observateurs électoraux étrangers et «la violence et le harcèlement des responsables de l'opposition».
Accès internet coupé
Il a estimé «essentiel le rétablissement immédiat et total des connexions à internet» et «exhorté tous les acteurs à la retenue et au rejet de la violence alors que les résultats sont annoncés».
Coupé depuis quatre jours, l'accès à internet pourrait être rétabli lundi matin, selon un porte-parole du gouvernement, Ofwono Opondo. Selon lui, internet a été «instrumentalisé» par des personnes menaçant le pays «de désinformation, de fake news», ce qui risquait de «fragiliser l'intégrité du processus électoral et des résultats».
Mardi soir, M. Museveni avait publiquement assumé la censure des réseaux sociaux comme une mesure de rétorsion à la suspension par Facebook de plusieurs comptes liés au gouvernement, accusés de se coordonner pour influer artificiellement sur le débat public.
Ancien guérillero, d'abord applaudi comme un dirigeant moderne après les horreurs des régimes d'Idi Amin Dada et Milton Obote, M. Museveni s'est progressivement mué en président autoritaire, écrasant toute opposition.
Son parti hégémonique, le Mouvement de Résistance nationale, a modifié deux fois la Constitution pour lui permettre de rester au pouvoir. En Afrique, seuls Teodoro Obiang Nguema en Guinée Equatoriale et Paul Biya au Cameroun ont passé plus de temps au pouvoir sans interruption.
Trois-quarts des 44 millions d'Ougandais ont moins de 30 ans et n'ont pas connu d'autre président que lui.