Affaire NavalnyL'UE et la Russie rentrent en conflit
ATS
9.2.2021 - 19:19
L'UE et la Russie sont entrées en confrontation ouverte mardi avec l'annonce de la préparation de sanctions européennes pour défendre les droits fondamentaux en Russie. Le Kremlin a de son côté annoncé un durcissement contre l'opposition, accusée de trahison.
Le chef de la diplomatie européenne, l'Espagnol Josep Borrell, a recommandé l'adoption de nouvelles sanctions après l'affront qu'il a subi pendant sa visite à Moscou et annoncé son intention de faire des propositions sur cette ligne aux Etats membres.
Le Kremlin a pour sa part accusé les proches de l'opposant incarcéré Alexeï Navalny d'être des «traîtres» pour avoir discuté de ces sanctions avec des représentants des pays de l'UE. Son porte-parole, Dmitri Peskov, a jugé approprié de légiférer en vue de qualifier d'"actes criminels» les appels à des sanctions contre la Russie. Une proposition de loi en ce sens est en cours de rédaction, selon le président de la Douma, la chambre basse du Parlement, Viatcheslav Volodine.
«Sans pitié»
«Le gouvernement russe est sur une voie autoritaire et se montre sans pitié dans l'affaire Navalny», a déploré Josep Borrell devant le Parlement européen réuni en plénière. «Ma visite à Moscou avait un double objectif : exposer la position de l'UE sur l'affaire Navalny et voir si les autorités russes voulaient inverser la tendance négative dans nos relations», a-t-il rappelé aux élus européens. «La réponse a été non», les responsables russes «ne sont pas intéressés si nous continuons à nous attacher à la défense des droits de l'homme. Or nous ne pouvons pas nous taire», a-t-il lancé.
Trois diplomates européens – allemand, polonais et suédois – ont été expulsés pendant sa visite et il lui a été refusé de voir Alexeï Navalny comme il en avait exprimé le souhait auprès des autorités russes. En réponse, les trois pays concernés ont chacun décidé de renvoyer un diplomate russe. «Il serait bon de prévoir des sanctions. Je vais user de mon droit d'initiative et je ferai des propositions qui combineront des actions pour lutter contre la désinformation et les cyberattaques», a annoncé Josep Borrell.
Celui-ci devrait soumettre ses propositions aux ministres des Affaires étrangères de l'UE au cours de leur réunion le 22 février. La prise de sanctions requiert l'unanimité. L'Union européenne a plusieurs motifs pour ses sanctions : violation des droits humains, utilisation des armes chimiques, cyberattaques, terrorisme, dont les trois premiers ont déjà été utilisés pour sanctionner les autorités russes.
Six personnalités russes, dont le chef du FSB Alexandre Bortnikov et le n°2 de l'administration présidentielle Sergueï Kiririenko, ont ainsi été inscrites en octobre sur la liste pour leur implication dans l'empoisonnement de l'opposant Alexeï Navalny. Léonid Volkov, un des plus proches collaborateurs d'Alexeï Navalny, a annoncé lundi soir avoir «discuté avec des représentants des pays de l'UE» d'un «paquet de sanctions» ciblées qui viseraient le «cercle le plus proche et les soutiens» du président russe.
«Pas d'illusions»
Les personnes concernées seraient notamment les milliardaires Roman Abramovitch et Alicher Ousmanov, le présentateur de télévision fidèle au Kremlin Vladimir Soloviov, le directeur de la chaîne de télévision Pervy Kanal Konstantin Ernst, le banquier Andreï Kostine ou encore Igor Chouvalov, un ancien haut responsable gouvernemental.
Ces sanctions concerneraient également les enfants du secrétaire général du Conseil de sécurité russe, Nikolaï Patrouchev, dont le fils est le ministre de l'Agriculture, et du directeur des services de sécurité (FSB), Alexandre Bortnikov, eux-mêmes déjà sanctionnés.
Josep Borrell a défendu son voyage à Moscou, critiqué par plusieurs députés européens d'Europe centrale et orientale. «Je suis allés transmettre le désaccord de l'UE après l'arrestation et la condamnation de Navalny. Les autorités russes n'ont pas apprécié», a-t-il souligné.
«Ma visite était soutenue par une majorité d'Etats membres. Je savais que je prenais un risque compte tenu du contexte tendu et j'ai décidé de le prendre, mais je ne me faisais pas d'illusions», a reconnu le chef de la diplomatie européenne. «Après cette visite, je suis encore plus inquiet quant aux choix géostratégiques des autorités russes.», a-t-il confié. «La confiance ne règne plus entre l'UE et la Russie et les relations économiques ont été mises à mal par les sanctions imposées après l'annexion de la Crimée» en 2014.
«Mais nous devons trouver un modus vivendi pour éviter la confrontation permanente», a souhaité M. Borrell. Les dirigeants de l'Union européenne doivent décider de l'avenir des relations entre l'UE et la Russie à leur sommet des 25 et 26 mars à Bruxelles.