«C’est quitte ou double» Nouvelle-Calédonie : le coup de poker très risqué de Macron

AFP

22.5.2024

Douze heures pour tenter de désamorcer la crise et relancer le dialogue : Emmanuel Macron, attendu mercredi soir en Nouvelle-Calédonie, joue gros avec un déplacement de dernière minute, face à deux camps qui semblent irréconciliables.

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«C’est un coup de poker comme au Salon de l'agriculture», résume un député du camp présidentiel en référence à la visite houleuse du chef de l'Etat à ce grand rendez-vous en février, en pleine révolte du monde agricole. «Il enlève tous les fusibles. C’est quitte ou double (…) C’est un pari», renchérit un conseiller ministériel.

Emmanuel Macron, qui s'est envolé mardi soir et est attendu jeudi matin à Nouméa (mercredi soir à Paris), construit son programme en cours de vol, sans savoir au départ qui était disposé à le rencontrer, relève une source haut placée au sein de l'exécutif.

Le président indépendantiste du gouvernement du territoire, Louis Mapou, un des principaux acteurs sur place, a ainsi été informé du déplacement par les médias, a indiqué une source proche du dossier.

«Tout cela c’est de l’improvisation absolue», soupire cette source, jugeant que cette visite surprise vise surtout à créer un effet «choc» pour pouvoir annoncer un report de la réforme du corps électoral qui a mis le feu aux poudres.

Depuis le début des émeutes, six personnes ont été tuées, dont deux gendarmes mobiles, de nombreux commerces et bâtiments détruits. Mercredi, la situation, bien que plus calme, restait précaire et des quartiers entiers toujours difficilement accessibles. Entre indépendantistes et «loyalistes», le dialogue est en outre au point mort.

«Ecouter»

Dans le camp macroniste, on mise sur la visite du président pour débloquer la situation et on estime que la crise peut servir d'électrochoc pour avancer dans l'évolution du statut institutionnel de l'île. Le fait d'y aller peut «changer les choses», l'objectif c'est «d'écouter et de prendre quelques décisions», assure la source au sein de l'exécutif.

Le risque n'en reste pas moins grand que des indépendantistes boycottent la visite, comme ils l'avaient fait lors du dernier déplacement présidentiel à Nouméa en juillet 2023.

Emmanuel Macron, qui a décidé lundi de faire le voyage, bousculant au passage tout son programme de la semaine en pleine campagne des européennes, doit rester douze heures sur place, voire plus si nécessaire.

Il espère rencontrer élus, responsables politiques et coutumiers - influents dans la culture kanak - ainsi que des acteurs économiques, lourdement touchés par les violences. «Il fallait qu’une initiative soit prise pour calmer le jeu», relève Jean-Philippe Derosier, professeur de droit public à l'université de Lille.

Mais «les indépendantistes n'acceptent pas les ultimatums, ils sont empreints d'une culture (...) différente de la nôtre dans laquelle il y a une large place (faite) au temps», ajoute l'universitaire.

Le chef de l'Etat doit aussi mettre en place une mission de dialogue, composée de trois hauts fonctionnaires, Eric Thiers, un de ses ex-conseillers, Frédéric Pottier, conseiller de l'ex-Premier ministre Manuel Valls et Rémi Bastille, préfet, tous trois à bord de l'avion présidentiel.

«Ce sont des +techno+ et l'accord juridique, technocratique, ne pourra se faire qu’après. Il faut d'abord un accord politique», pointe Jean-Philippe Derosier.

«Se donner du temps»

Du côté de l'opposition, la circonspection reste de mise. «La politique du coup de menton, de tout hâter sans attendre de consensus local a été une rupture majeure et a précipité le chaos», a accusé sur France 2 Raphaël Glucksmann, tête de liste PS-Place publique aux européennes.

«Après l'intégralité des erreurs qui ont été commises par le gouvernement, je ne voyais pas d'autre solution que de mettre en œuvre ce déplacement», mais «ça ne va pas être simple», a estimé sur CNews/Europe 1 Marine Le Pen, dont le parti a pourtant voté la réforme contestée à l'Assemblée.

De nombreuses voix, jusque dans le camp présidentiel, invitent le chef de l'Etat à reporter le Congrès prévu fin juin pour adopter la réforme du corps électoral.

«C'est à ce prix-là qu'on va se donner du temps (...) sinon c'est le pire qui est certain», a averti sur RTL le député (Renaissance) Philippe Dunoyer.

Très impliqué dans le dossier calédonien durant son passage à Matignon (2017-2020), Edouard Philippe, qui ne cache pas ses ambitions pour 2027, espère, lui, du chef de l'Etat des annonces «à la hauteur».

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