IranNouvelle entorse de l'Iran à l'accord nucléaire international
fasc
4.1.2021 - 15:01
L'Iran a enclenché lundi le processus destiné à produire de l'uranium enrichi à 20% à l'usine souterraine de Fordo. Il s'agit de sa principale mesure de désengagement de l'accord nucléaire international, annoncée dans un contexte tensions accrues avec les Etats-Unis.
Le même jour, l'armée idéologique du pouvoir en Iran, les Gardiens de la Révolution, a indiqué avoir saisi un pétrolier battant pavillon sud-coréen dans les eaux du Golfe, où sont déployés des navires américains.
En mai 2019, un an après le retrait unilatéral des Etats-Unis de l'accord de 2015 sur le programme nucléaire iranien suivi du retour de lourdes sanctions américaines contre l'Iran, ce dernier a commencé à s'affranchir de ses principaux engagements, dont la limite du taux d'enrichissement de l'uranium. Accusé par les Etats-Unis et Israël, ses ennemis jurés, la République islamique d'Iran a toujours nié vouloir se doter de l'arme atomique.
L'administration du président Donald Trump a mené une campagne de «pression maximale contre l'Iran». Les tensions entre les deux parties ont fortement augmenté depuis, avec notamment des sabotages, attaques et saisies de navires ou encore drone abattu dans le Golfe.
«Le processus pour produire de l'uranium enrichi à 20% a commencé au complexe d'enrichissement Shahid Alimohammadi (Fordo)», à 180 km au sud de Téhéran, a déclaré le porte-parole du gouvernement Ali Rabii, cité par la télévision d'Etat. Selon lui, le président Hassan Rohani a donné l'ordre «ces derniers jours» et «le processus d'injection de gaz a commencé il y a quelques heures».
«Obligé»
L'Iran avait fait part fin décembre à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) de sa volonté de produire de l'uranium enrichi à 20%, niveau pratiqué avant la conclusion de l'accord de 2015, loin des 90% nécessaires pour une utilisation militaire.
D'après le dernier rapport publié en novembre par l'agence onusienne, Téhéran enrichissait de l'uranium à un degré de pureté supérieur à la limite prévue par l'accord (3,67%) mais ne dépassait pas le seuil de 4,5%, et se pliait toujours au régime très strict d'inspections de l'AIEA. Mais le dossier a connu des soubresauts après l'assassinat fin novembre près de Téhéran d'un physicien nucléaire iranien, Mohsen Fakhrizadeh.
Dans la foulée de cette attaque attribuée par l'Iran à Israël, le Parlement iranien, à majorité conservatrice, a adopté une loi controversée préconisant de produire et stocker au «moins 120 kg par an d'uranium enrichi à 20%» et de «mettre fin» aux inspections de l'AIEA des activités sensibles nucléaires iraniennes.
Le gouvernement de M. Rohani, un modéré, s'était opposé à cette initiative. Mais en décembre, le Conseil des gardiens de la Constitution, qui arbitre les litiges entre le gouvernement et le Parlement en Iran, a approuvé la loi. Lundi, M. Rabii a expliqué que la position du gouvernement à l'égard de cette loi restait la même «mais qu'il se considérait obligé de la mettre en oeuvre».
L'accord nucléaire a été conclu à Vienne après des années d'âpres négociations entre l'Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité – Royaume-Uni, Chine, France, Russie, Etats-Unis – ainsi que l'Allemagne.
Pétrolier saisi
Alors qu'un briefing du directeur de l'AIEA est prévu plus tard dans la journée, l'Union européenne a averti que l'enrichissement à 20% «constituerait une entorse considérable» aux engagements iraniens «avec de graves conséquences en matière de non-prolifération». Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a estimé que l'annonce sur l'enrichissement reflétait «les intentions (de l'Iran) de développer son programme nucléaire militaire».
L'annonce iranienne intervient dans un contexte de tensions accrues après le premier anniversaire de l'assassinat du général iranien Qassem Soleimani dans une attaque américaine il y a un an à Bagdad et que Téhéran a promis de «venger».
Dans les eaux du Golfe, les Gardiens de la révolution ont annoncé la saisie du pétrolier «Hankuk Chemi» accusé d'avoir violé «les lois sur l'environnement marin». Ils ont aussi indiqué l'arrestation des membres d'équipage de nationalités sud-coréenne, indonésienne, vietnamienne et du Myanmar.
Ces développements surviennent à environ deux semaines de la fin du mandat de Donald Trump, et alors que la prise de fonction de Joe Biden fait espérer un apaisement et éventuellement un sauvetage de l'accord nucléaire. Mais un possible renvoi des inspecteurs de l'AIEA et la reprise de l'enrichissement à 20% risqueraient de renvoyer le dossier du nucléaire devant le Conseil de sécurité de l'ONU et de torpiller définitivement ce texte, selon les observateurs.
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