Nucléaire iranienReprise des négociations dans un climat à nouveau tendu
ATS
15.4.2021 - 11:02
Keystone-SDA
15.04.2021, 11:02
15.04.2021, 11:08
ATS
Les discussions pour sauver l'accord international sur le nucléaire iranien s'étaient refermées la semaine dernière à Vienne sur une note positive. Elles reprennent jeudi mais entretemps, la décision de Téhéran d'enrichir l'uranium à hauteur de 60% a jeté un froid.
En réponse aux inquiétudes exprimées en Europe et aux Etats-Unis, le président iranien s'est voulu rassurant. «Nos activités nucléaires sont pacifiques, nous ne cherchons pas à obtenir la bombe atomique», a déclaré Hassan Rohani dans un discours transmis par la télévision d'Etat jeudi.
Il n'empêche, en se rapprochant des 90% nécessaires à une utilisation militaire, la République islamique «met la pression sur tout le monde», résume un diplomate européen.
Après un bon départ, «c'est vrai que cela complique les choses», dit-il à l'AFP avant une nouvelle réunion des Etats parties à l'accord (Allemagne, France, Royaume-Uni, Chine, Russie et Iran), prévue à 12h30.
Annonce «provocatrice»
«Nous prenons très au sérieux cette annonce provocatrice» de Téhéran, a réagi mercredi soir à Bruxelles le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken. «Je dois vous dire que cette mesure soulève des questions sur le sérieux de l'Iran s'agissant des pourparlers nucléaires».
Comment réagir ? Voilà la question qui se pose en coulisses. Le franchissement imminent de ce seuil inédit de 60% se veut une «réponse» au «terrorisme nucléaire» d'Israël après l'explosion survenue dimanche dans l'usine d'enrichissement de Natanz, argue Téhéran, qui accuse ouvertement Israël d'avoir saboté cette usine.
Berlin, Paris et Londres ont mis en garde contre toute escalade, «par quelque pays que ce soit», tout en déclarant que l'annonce par l'Iran du lancement d'un enrichissement à 60% est un «développement grave (...) contraire à l'esprit constructif» des discussions.
Agir vite
Mais Moscou préfère y voir le signe qu'il faut agir vite.
«Cela prouve que le rétablissement du JCPOA», acronyme anglais qui désigne communément l'accord conclu en 2015 dans la capitale autrichienne, «est la seule solution viable pour ramener le programme nucléaire iranien» sur les rails, a écrit sur Twitter l'ambassadeur russe auprès des organisations internationales à Vienne, Mikhaïl Oulianov.
L'Iran l'a répété mercredi: pour stopper cette «spirale dangereuse», les Etats-Unis doivent lever les sanctions imposées par le président américain Donald Trump, qui a retiré les Etats-Unis de l'accord en 2018.
Le JCPOA avait permis un allègement des mesures punitives contre la République islamique en échange d'une réduction drastique de ses activités nucléaires, sous le contrôle de l'ONU, afin de garantir qu'elle ne cherche pas à se doter de la bombe atomique.
Participation américaine indirecte
C'est un des sujets sur lesquels planchent les experts à Vienne, sous l'égide de l'Union européenne (UE), avec la participation indirecte d'une délégation américaine, logée dans un autre hôtel.
Malgré les inquiétudes, les Etats-Unis veulent rester «concentrés sur la voie diplomatique pour avancer», a déclaré à la veille de la reprise des discussions la porte-parole de la Maison Blanche, Jen Psaki. «Nous pensons que nous pouvons faire avancer les choses de manière constructive».
«Les événements de ces derniers jours rappellent à chaque partie que le statu quo est synonyme de perdant-perdant pour les deux camps» et «renforcent l'urgence», commente auprès de l'AFP Ali Vaez, spécialiste du dossier iranien au sein du centre de réflexion International Crisis Group (ICG).
«Il est clair que plus le processus diplomatique s'éternise, plus grands sont les risques qu'il soit entravé par des saboteurs et des personnes mal intentionnées», ajoute-t-il, alors que le guide suprême iranien Ali Khamenei a fait savoir mercredi qu'il n'autoriserait pas que les discussions traînent «en longueur».
Obstacles nombreux
Les obstacles sont cependant nombreux et définir une feuille de route acceptable par l'Iran et par les Etats-Unis, les deux puissances ennemies, prendra du temps, préviennent les experts.
La toile de sanctions tissée par l'ex-président américain s'avère ainsi complexe à démêler, certaines ayant été imposées pour des raisons non-nucléaires.
En attendant, Téhéran réduit son «breakout time», soit le délai pour acquérir la matière fissile nécessaire à la fabrication d'une bombe, déplore le diplomate européen.