Les membres de l'OMC ont tenté d'avancer vers un accord pour éliminer les subventions dommageables à une pêche durable. Malgré les divergences lors de la ministérielle en ligne depuis Genève jeudi, celle-ci salue un «succès» parce qu'un projet de texte sera négocié.
Un compromis n'était pas attendu au terme de cette réunion, mais elle devait permettre d'évaluer si le texte actuellement sur la table est conforme aux attentes des 164 membres. Et comment établir l'approche pour les pays en développement. La Suisse était représentée par le délégué du Conseil fédéral aux accords commerciaux, l'ambassadeur Markus Schlagenhof.
Au total, 128 membres ont participé et plus de 100 se sont exprimés. Pour la première fois en 20 ans, tous ont donné «la direction politique» et le soutien pour négocier un projet de texte, celui, révisé, qui est sur la table depuis fin juin, a dit à la presse la directrice générale de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
Ngozi Okonjo-Iweala, qui avait alerté cette semaine sur le danger de ne pouvoir atteindre un accord avant la ministérielle de novembre et décembre à Genève, s'est dit rassurée. «Nous pouvons avancer vers les prochaines étapes», selon elle.
Un avis partagé par le président des négociations, l'ambassadeur colombien à l'OMC, qui estime que «les ingrédients pour arriver à une conclusion couronnée de succès» sont réunis. Les discussions vont désormais revenir rapidement au niveau des ambassadeurs.
Plusieurs millions de personnes
Les Etats membres n'avaient pas réussi à arracher un accord avant le délai qui avait été établi pour la fin de l'année dernière. Un consensus, conforme aux Objectifs de développement durable (ODD), serait «historique pour plusieurs raisons», a affirmé jeudi Dr Ngozi. Il en va de «la santé de nos mers et océans et de notre planète».
Des millions de personnes, dont de nombreux pauvres, dépendent de ces discussions, selon le président des négociations. «Nous sommes plus proches d'un accord que jamais», avait estimé avant la réunion une responsable de l'Institut international pour le développement durable (IISD). «Nous n'avons jamais eu une telle attention», que ce soit des Etats, de l'OMC elle-même et de la société civile.
Tous les acteurs reconnaissent notamment l'importance que la pêche artisanale et de subsistance soit protégée. Pour autant, les divergences restent importantes, même si elles sont moins nombreuses.
L'objectif est d'interdire les subventions pour un navire qui mènerait une pêche illégale, non déclarée ou non réglementée. Mais aussi celles pour la surpêche, dans des zones déjà surexploitées. Autre donnée, les subventions à des composantes qui favorisent la surpêche ou la surcapacité doivent aussi être éliminées. Comme par exemple celles sur le carburant qui, moins cher, pousse des pêcheurs à des exagérations. Mais l'UE est opposée à des efforts sur cette question.
90% des stocks exploités
Le président des négociations avait proposé il y a quelques mois des exceptions pour les pays en développement. Le dernier projet remplace celles-ci par une clause qui va interdire à tout membre de contester les subventions pour la pêche artisanale et de subsistance dans ces Etats.
Cette exemption généralisée a été rejetée jeudi par le vice-président de la Commission européenne Valdis Dombrovskis, favorable à une liste négociée de pays. Et par la représentante américaine au commerce Katherine Tai.
Autres divergences, les Etats riches souhaitent que la Chine ne puisse s'appuyer sur des exceptions en raison de son statut autodéclaré de pays en développement. Pékin, qui rassemble la pêche la plus large au monde, a à nouveau seulement promis jeudi de se conformer aux obligations liées à son développement. Sans nommer la Chine, Mme Tai a ciblé cette position.
D'autres exceptions pourraient être maintenues si un pays peut prouver que son système garantit une pêche durable. Selon certains, ce dispositif permettrait aux acteurs responsables de l'épuisement des ressources, comme l'UE, la Chine ou encore le Japon, de poursuivre cette attitude.
Ces discussions sont également importantes pour l'OMC qui n'a plus obtenu d'accord multilatéral depuis plusieurs années et est confrontée à une crise institutionnelle. Selon l'ONU, 90% des stocks marins sont exploités ou surexploités. Un tiers des prises sont liées à la surpêche.