Des habitants de Gaza «On souffre pendant que les leaders dorment confortablement au Qatar»

AFP

13.6.2024

Les conditions posées par le Hamas en vue d'une trêve avec Israël suscitent des critiques à l'encontre du mouvement islamiste palestinien de la part de quelques habitants de la bande de Gaza interrogés sur sa réponse à la dernière proposition de cessez-le-feu.

Des Palestiniens recevant de l'aide alimentaire dans le nord de la ville de Gaza.
Des Palestiniens recevant de l'aide alimentaire dans le nord de la ville de Gaza.
IMAGO/Xinhua

AFP

«On se moque de nous, de notre souffrance, de nos vies détruites», estime auprès de l'AFP Abou Eyad, avant de s'en prendre avec virulence aux dirigeants politiques du groupe qui, en exil au Qatar, «dorment confortablement».

«Est-ce que vous essayez de vous mettre à notre place?» ajoute-t-il à l'endroit des cadres du Hamas, soulignant le contraste entre la vie à Doha et celle des quelque 2,4 millions d'habitants de la bande de Gaza assiégée, dont plus de la moitié ont été déplacés par la guerre déclenchée par l'attaque du Hamas le 7 octobre contre Israël.

«Savez-vous seulement qu'il nous arrive souvent de ne pas trouver de quoi manger ?» poursuit cet homme de 55 ans, qui comme les autres personnes dont les propos sont rapportés dans cette dépêche ne souhaite pas donner son patronyme.

Espoirs régulièrement déçus

Depuis la trêve d'une semaine ayant eu lieu à la fin du mois de novembre, les espoirs d'un cessez-le-feu, même seulement temporaire, ont été régulièrement déçus.

Sans refuser ni accepter la dernière proposition en date, présentée par le président américain Joe Biden, le Hamas a fait savoir mardi que sa réponse appelait à «un arrêt total de l'agression en cours à Gaza». Une source au fait des pourparlers a déclaré à l'AFP que la réponse du Hamas contenait des amendements au cadre proposé.

L'attaque surprise des commandos du Hamas le 7 octobre sur le sud d'Israël à partir de la bande de Gaza a entraîné la mort de 1.194 personnes côté israélien, en majorité des civils, selon un comptage de l'AFP effectué à partir de chiffres officiels israéliens. Et 116 otages capturés ce jour-là restent détenus à Gaza.

«Qu'attendez-vous?»

La campagne militaire israélienne de représailles a dévasté la bande de Gaza et coûté la vie à plus de 37.230 Palestiniens, en majorité des civils, selon des données du ministère de la Santé du gouvernement du Hamas pour Gaza.

Agée de 67 ans, Oum Ala fustige les dirigeants du Hamas qu'elle accuse d'avoir «entraîné le peuple palestinien dans une guerre d'anéantissement». «Si les dirigeants du Hamas souhaitaient mettre fin à cette guerre et aux souffrances du peuple palestinien, ils aurait accepté» l'accord de trêve, dit-elle à l'AFP.

«Nous sommes fatigués, nous sommes morts, nous sommes détruits et la somme de nos tragédies est infinie», témoigne Abou Chaker, 35 ans. «Qu'attendez-vous ?» lance-t-il à l'attention des chefs du Hamas : «Il faut que cette guerre s'arrête, à tout prix. Nous ne pouvons plus en supporter davantage.»

Si ces habitants témoignent de leur exaspération après huit mois de bombardements qui ont détruit ou endommagé la plupart du bâti de la bande de Gaza, il reste très compliqué d'y évaluer le soutien ou l'aversion au mouvement qui a tenu ce territoire d'une main de fer depuis qu'il y a pris le pouvoir en 2007, et qui demeure l'une des principales organisations politiques palestiniennes.

40% des Palestiniens interrogés soutiennent le Hamas

Selon un sondage du Palestinian Center for Policy and Survey Research (PCPSR) réalisé fin mai et publié mercredi, 40% des Palestiniens interrogés disent soutenir le Hamas (41% en Cisjordanie, et 38% dans la bande de Gaza), contre 20% en faveur du Fatah, le parti du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas.

Selon la même étude d'opinion, 73% des sondés estiment que le Hamas a pris une «bonne» décision en attaquant Israël le 7 octobre, mais la part des opinions favorables dans la bande de Gaza (67%) apparaît en baisse de 4 points par rapport à la fin du mois de février.

«Le soutien à cette attaque ne signifie pas forcément un soutien au Hamas, et pas non plus un soutien aux meurtres ou aux atrocités commises [par les hommes armés du Hamas] contre des civils» en Israël, souligne le PCPSR, selon qui «les résultats montrent que plus de 80% des Palestiniens estiment que l'attaque a placé la question palestinienne au centre de l'attention».

Oum Chadi, 50 ans, n'est pas de cet avis. «Qu'avons-nous gagné de cette guerre à part tueries, destructions, extermination et famine ?» demande-t-elle, pressant le Hamas de «mettre un terme à la guerre immédiatement, sans chercher à contrôler et diriger Gaza.»