Proche-OrientOtages du Hamas contre prisonniers d'Israël: l'espoir des proches
ATS
31.10.2023 - 14:37
Ils sont des milliers à attendre, pris entre l'horreur des morts à Gaza et l'espoir d'une libération: les proches des quelque 6600 Palestiniens emprisonnés par Israël veulent croire à un échange, celui des otages du Hamas contre des détenus palestiniens.
31.10.2023, 14:37
ATS
«On a mal quand on voit les enfants tués» dans la bande de Gaza, cible de bombardements israéliens incessants en riposte à une attaque meurtrière et sans précédent du Hamas le 7 octobre, dit à l'AFP Wafa Abou Ghoulmi, dont le mari est incarcéré par Israël.
Le Hamas, affirme l'armée israélienne, retient au moins 240 otages, Israéliens et étrangers, enlevés durant l'attaque au cours de laquelle plus de 1400 personnes ont péri, la plupart des civils, d'après les autorités israéliennes. Les bombardements israéliens ont eux coûté la vie à plus de 8500 personnes en majorité des civils d'après les autorités du Hamas.
Des soldats israéliens figurent parmi les otages aux mains du Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007. Les prisons israéliennes, elles, comptent plus de 6600 détenus palestiniens, dont plus de 550 condamnés à la perpétuité.
Le dernier échange de prisonniers entre Israël et le Hamas remonte à octobre 2011 quand 1027 détenus palestiniens avaient été libérés contre le soldat franco-israélien Gilad Shalit enlevé cinq ans plus tôt par le mouvement islamiste.
«Joie ou tristesse?»
Ces dernières années, des tentatives d'échange ont échoué. Deux civils israéliens entrés en 2014 et 2015 de leur propre gré dans Gaza y sont toujours retenus. Malgré tout, Mme Abou Ghoulmi espère revoir son époux.
«On a appris que le Hamas était parvenu à capturer des soldats israéliens. Mais quand j'ai vu les morts, la destruction, les familles déchirées à Gaza, j'ai ressenti de la douleur car le prix à payer pour revoir mon mari est bien lourd», dit-elle dans sa maison à Ramallah, en Cisjordanie, territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967.
Son mari purge actuellement neuf peines de prison à perpétuité, assorties d'une peine de 50 ans de prison.
La justice israélienne l'accuse d'implication dans l'assassinat du ministre israélien du Tourisme Rehavam Zeevi en 2001, en pleine deuxième Intifada, le soulèvement palestinien contre l'occupation israélienne (2000-2005).
Khalida Abou Satha, elle aussi, se demande si elle accueillera son mari Mohammed, emprisonné depuis 2001 et condamné à quatre peines de prison à perpétuité, «avec des larmes de joie de le revoir ou de tristesse pour tous les morts».
Depuis le 7 octobre, raconte-t-elle à l'AFP, elle est «vissée devant le poste de télévision» qu'elle ne quitte des yeux que pour répondre aux coups de téléphone de «proches ou de familles de prisonniers qui disent espérer un nouvel échange avec Israël».
Elle se dit quasiment certaine que cela arrivera, mais elle avoue aussi redouter ce moment. «Notre bonheur ne sera pas complet, on aura les regards des familles de victimes de la guerre au-dessus de nos têtes.»
«Le Mandela palestinien»
Le nombre d'otages actuellement retenus par le Hamas est de très loin le plus grand depuis la création en 1987 du mouvement.
Le chef du Hamas à Gaza, Yahya Sinouar, lui-même sorti de prison en échange du soldat Shalit, s'est dit prêt à conclure «immédiatement» un échange des otages contre «tous les prisonniers» palestiniens.
Et le porte-parole militaire du Hamas, Abou Obeida, a affirmé que «le prix à payer pour le grand nombre d'otages de l'ennemi qui sont entre nos mains est de vider les prisons de tous les détenus» palestiniens.
En face, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu est sous pression: les familles d'otages le pressent d'agir. Mais il n'a donné aucun signe de vouloir engager un échange. Lundi, l'armée a affirmé avoir libéré une soldate otage lors d'une opération terrestre à Gaza.
«S'il y parvient, le Hamas va prendre l'avantage sur la scène palestinienne», face à l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, basée en Cisjordanie et de plus en plus décriée, analyse le politologue Georges Giacaman.
Mais les gains politiques pourraient rapidement s'évaporer, prévient-il, car «qui peut garantir que les prisonniers libérés ne seront pas de nouveau arrêtés comme ce fut le cas (après l'échange avec) Shalit?»
Mais s'ils restent en liberté, certains prisonniers pourraient changer la donne politique palestinienne. Parmi ces détenus figure par exemple Marwan Barghouthi, cadre du mouvement Fatah de M. Abbas, grand rival du Hamas.
Emprisonné depuis 2002 par Israël, il purge cinq peines de prison à perpétuité. «Terroriste» pour Israël, il est au contraire surnommé «le Mandela palestinien» par ses partisans, qui l'imaginent déjà succéder à Mahmoud Abbas.