Sous les bombes«Papa, où sont maman et mes frères ?» - Le cauchemar des Gazaouis
ATS
12.10.2023 - 13:53
«Pourquoi? On n'a rien fait!», hurle un homme en regardant des brancardiers emmener le corps sans vie d'une de ses proches, tout juste sorti des décombres d'un quartier résidentiel de la bande de Gaza, pilonnée sans répit par les avions israéliens.
Keystone-SDA
12.10.2023, 13:53
ATS
Un peu plus loin, dans Chati, le plus grand camp de réfugiés de la petite langue de terre ravagée par les guerres et la pauvreté, un autre cri s'élève: «Venez! Il est encore vivant!».
Un secouriste s'approche, saisit une main qui se tend de sous les décombres et, avec l'aide de collègues et de voisins, ils parviennent à dégager les jambes d'un homme pris sous les gravats.
La tête sanguinolente, il est emmené par les secouristes, appuyés par des dizaines de volontaires venus aider à sortir des ruines cadavres et blessés du dernier raid aérien israélien sur la bande de Gaza, désormais sous «siège total», sans eau, électricité ou carburant.
Depuis que le Hamas, au pouvoir à Gaza, a lancé samedi ses combattants à l'assaut du haut mur d'enceinte qui enserre la bande de Gaza pour tuer plus de 1200 Israéliens et étrangers aux alentours, l'enclave palestinienne est sous les bombes.
De jour comme de nuit, le fracas des explosions, des drones et autres déflagrations est incessant. Plus personne ne dort, à cause du bruit, mais aussi parce que chaque maison est potentiellement menacée.
Israël veut «liquider» le mouvement islamiste et dans cette opération, décrétée après l'offensive de samedi, la plus meurtrière en 75 ans d'existence d'Israël, déjà plus de 1300 Palestiniens ont été tués à Gaza.
A Chati, en une demi-heure jeudi matin, les avions de guerre ont mené des dizaines de raids. Ici, un père sort son fils de quatre ans des gravats. «Papa, où sont maman et mes frères?», lâche l'enfant, le corps couvert de poussière et de sang.
Jamal al-Masri lui aussi peine à comprendre ce qui vient de lui arriver. «On dormait et, d'un coup, tout le quartier s'est retrouvé sous les bombes de l'occupant. Ma maison a été détruite», raconte-t-il à l'AFP, hagard.
«Celle de mon frère, de mes parents et les maisons de plusieurs voisins aussi...», égrène-t-il, choqué. «Tout le monde est touché, il y a des bouts de corps, des cadavres, ceux de mes enfants et des enfants des autres», continue-t-il. «Qu'est-ce qui s'est passé papa? Tout ça nous arrive pour de vrai?» l'interrompt sa fillette.
«Ca va aller», répond-il, «on va rester, on ne partira pas de Gaza», même si autour de lui plus rien ne semble fonctionnel.
Dans de nombreux quartiers – ceux qui n'ont pas été réduits à un tas de ruines fumant – il n'y a plus d'électricité.
L'unique centrale qui alimente le territoire où vivent 2,4 millions de Palestiniens – pour moitié d'entre eux des enfants – est à l'arrêt. Et avec elle, internet, l'eau et même les communications téléphoniques.
A l'hôpital al-Chifa, le plus grand de l'enclave sous strict blocus israélien depuis 16 ans, c'est le chaos. Au milieu du ballet ininterrompu des ambulances, des proches venus demander des nouvelles, des blessés qui arrivent et repartent, deux enfants sont assis au sol, médusés et silencieux.
Un infirmier confie l'un d'eux à un médecin en criant: «est-ce que quelqu'un ici connaît cet enfant?». Avant de filer retrouver les dizaines de blessés, allongés sur de maigres matelas de mousse, en attente d'un des soignants qui vont et viennent, les traits tirés par la fatigue.
Derrière lui, lamentations et cris de douleur s'élèvent de la morgue. Les chambres froides sont pleines. Alors, des dizaines de corps enveloppés dans des linceuls ont été alignés à même le sol.
Un jeune homme en sort, titubant. «Peut-être qu'il n'est pas mort. Son corps n'est pas là», s'époumone-t-il. «Allons voir aux urgences, il est sûrement en train d'être opéré», répète-t-il, comme pour se convaincre lui-même.