La tension monte à Matignon «Personne ne veut de mal à Barnier, mais personne ne veut être pris pour un con»

AFP

18.9.2024

Deux semaines après sa nomination, la tension monte entre Michel Barnier et les macronistes autour de leur place au gouvernement, ceux-ci exigeant une «clarification» de la ligne politique du Premier ministre qui répond avoir découvert «une situation budgétaire très grave» méritant «mieux que des petites phrases».

Plus généralement, les macronistes sont agacés de ne pas connaitre les orientations de Michel Barnier, notamment sur des sujets potentiellement clivants comme l'immigration.
Plus généralement, les macronistes sont agacés de ne pas connaitre les orientations de Michel Barnier, notamment sur des sujets potentiellement clivants comme l'immigration.
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Issu de la droite, le nouveau locataire de Matignon va à nouveau recevoir dans la soirée les dirigeants des Républicains Gérard Larcher, Laurent Wauquiez et Bruno Retailleau... Et ce, quelques heures seulement après avoir reporté sine die une réunion demandée par le chef de file des députés EPR (Ensemble pour la République) Gabriel Attal.

L'ancien Premier ministre devait se rendre rue de Varenne avec les vice-présidents de son groupe parlementaire, ainsi qu'Élisabeth Borne et Gérald Darmanin au nom des sensibilités de gauche et de droite de l'ex-majorité.

Si la réunion a été officiellement décalée pour des raisons d'agenda, M. Barnier a livré une déclaration à l'AFP dans laquelle il souligne qu'il «découvre» une «situation budgétaire très grave».

«Cette situation mérite mieux que des petites phrases. Elle exige de la responsabilité», a-t-il insisté en se disant «très concentré sur la constitution prochaine d’un gouvernement d'équilibre» pour «traiter avec méthode et sérieux les défis» du pays.

Une sortie qui semble viser les propos de figures de l'ex-majorité ces derniers jours.

Clarifications demandées

Dans un message mardi soir auprès de ses députés pour justifier cette demande urgente de rendez-vous à Matignon, Gabriel Attal déplorait «ne pas avoir encore une visibilité claire sur la ligne politique - notamment sur d’éventuelles hausses d’impôts - et sur les grands équilibres gouvernementaux», autrement dit la place réservée au camp présidentiel par rapport à LR.

Le nouveau Premier ministre aurait évoqué auprès de plusieurs interlocuteurs une hausse des prélèvements, au nom d'une situation budgétaire particulièrement difficile, avec un déficit public qui pourrait se creuser à 5,6% du PIB cette année.

Son entourage a démenti mardi, affirmant qu'il ne s'agit que «de pures spéculations» et renvoyé à sa première interview télévisée dans laquelle il avait évoqué «la justice fiscale» sans davantage de précisions.

Il est «hors de question» d'"entrer" dans un gouvernement qui augmente les impôts ou même de le «soutenir», a réagi mercredi Gérald Darmanin, taclant au passage le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, qui a suggéré «un effort» fiscal «exceptionnel et raisonnable sur certaines grandes entreprises et gros contribuables».

La hausse des impôts est une «ligne rouge»

Contrairement au gouverneur, dont le nom est parfois cité pour Bercy, «je me suis engagé devant mes électeurs à ne pas augmenter les impôts», a affirmé M. Darmanin.

La hausse des impôts «pour les Français» est aussi une «ligne rouge» pour la participation des LR au gouvernement, même si ceux-ci ont salué mercredi la «réflexion» du Premier ministre sur «plus de justice fiscale».

Dans sa déclaration à l'AFP, M. Barnier semble vouloir cependant rassurer la droite et les macronistes en rappelant que «nous sommes déjà le pays où la charge des impôts est la plus forte».

Trop de place pour LR

Plus généralement, les macronistes sont agacés de ne pas connaitre les orientations de Michel Barnier, notamment sur des sujets potentiellement clivants comme l'immigration.

Alors que le Premier ministre renvoie ses interlocuteurs à sa déclaration de politique générale début octobre, «on ne va pas rentrer dans un gouvernement sans savoir ce qui va se passer (...)parce que si on n'est pas d'accord, qu'est ce qu'on fait?», s'est interrogé M. Darmanin, en campagne pour le Quai d'Orsay.

«Personne ne veut de mal à Barnier mais personne ne veut être pris pour un con»

La laborieuse composition du gouvernement, attendue au mieux pour dimanche, est l'autre point de crispation au sein des macronistes.

Ceux-ci craignent d'être relégués à des postes de ministres délégués ou de secrétaires d’Etat sous tutelle de ministres LR, la droite ne cachant pas son appétit (Intérieur, Justice, Bercy, Education, Agriculture...).

«Personne ne veut de mal à Michel Barnier mais personne ne veut être pris pour un con. Et c'est un peu le cas quand même», résume une ancienne ministre. «Les 47 LR sont en train de se comporter comme s’ils étaient ultra majoritaires, on ne peut pas accepter ça», renchérit un cadre macroniste.

D'autant que les ténors de LR continuent d'être reçus collectivement à Matignon, y compris donc ce mercredi, au contraire des leaders du camp présidentiel...