Une campagne sur Twitter, orchestrée depuis les Etats-Unis pour déstabiliser le régime: c'est le grand argument du gouvernement cubain pour expliquer les manifestations historiques du 11 juillet, mais les experts interrogés par l'AFP ne sont pas tous convaincus.
Trois femmes utilisent leur téléphone dans une rue de La Havane, le 14 juillet 2021
Un manifestant brandit une pancarte "SOS CUBA" à New York le 14 juillet 2021
Manifestation contre le gouvernement cubain à La Havane, le 11 juillet 2021
Un homme regarde son téléphone dans une rue de La Havane le 14 juillet 2021
Manifestations à Cuba: pour le gouvernement, c'est la faute à Twitter - Gallery
Trois femmes utilisent leur téléphone dans une rue de La Havane, le 14 juillet 2021
Un manifestant brandit une pancarte "SOS CUBA" à New York le 14 juillet 2021
Manifestation contre le gouvernement cubain à La Havane, le 11 juillet 2021
Un homme regarde son téléphone dans une rue de La Havane le 14 juillet 2021
Une campagne sur Twitter, orchestrée depuis les Etats-Unis pour déstabiliser le régime: c'est le grand argument du gouvernement cubain pour expliquer les manifestations historiques du 11 juillet, mais les experts interrogés par l'AFP ne sont pas tous convaincus.
«J'ai des preuves irréfutables que la majorité des usagers qui ont participé à cette campagne se trouvaient aux Etats-Unis et que des systèmes automatisés ont été utilisés pour viraliser les contenus, sans être pénalisés par Twitter», a assuré mardi le ministre des Affaires étrangères Bruno Rodriguez.
Pour le ministre, qui a nié toute «explosion sociale» dans le pays après ces manifestations où des milliers de Cubains ont défilé aux cris de «Liberté», «Nous avons faim» et «A bas la dictature», il s'agit plutôt d'une «guerre de communication et d'information contre Cuba».
#SOSCuba
Le grand coupable? Le hashtag #SOSCuba, lancé début juillet pour alerter de la grave situation sanitaire sur l'île, confrontée à une hausse de cas de coronavirus, et demander une aide humanitaire de l'étranger.
Pour Julian Macias Tovar, expert espagnol en réseaux sociaux invité mardi à intervenir à la télévision d'Etat cubaine, il y a bien des chiffres étranges autour de ce mot-clé.
«Entre le 5 juillet, quand il a commencé à être utilisé, et le 8, seuls 5.000 tweets ont été publiés» avec cette mention, explique-t-il à l'AFP.
C'est ensuite allé crescendo: 100.000 le 9, 500.000 le 10, 1,5 million le 11 et deux millions le 12, dit-il après avoir analysé scrupuleusement le phénomène.
Comptes automatisés
Les comptes utilisant ce label «proviennent de beaucoup d'endroits différents et selon moi il y a un réseau international de comptes liés par une idéologie», car «ce sont les mêmes comptes qui ont participé aux campagnes pour attaquer (le président mexicain) Andrés Manuel Lopez Obrador, le gouvernement argentin et le gouvernement espagnol», tous de gauche.
Selon lui, il s'agit souvent de faux comptes ou de comptes automatisés pour publier un grand nombre de tweets. Doug Madory, directeur d'analyse internet à la société technologique Kentik, est plus sceptique: «Quelqu'un envoie un tweet aux Etats-Unis et cela pousse les gens dans la rue à Cuba? (...) J'ai du mal à y croire».
«Je ne sais pas si quelqu'un pourrait essayer de créer une campagne Twitter qui ait une telle influence sur le Cubain moyen qu'elle le convainque de faire des choses qu'il n'aurait jamais faites autrement».
S'il reconnaît l'existence de tweets automatisés dans des campagnes, l'expert se dit que «c'est probablement vrai aussi du gouvernement (cubain) lui-même», dont certains tweets de partisans sont étonnamment identiques.
Et face à cela, les autorités disposent d'une arme redoutable: couper le robinet. De fait, de dimanche midi à mercredi matin, l'internet mobile a été rendu inaccessible. Rétabli mercredi, il restait instable et il était impossible d'accéder aux réseaux sociaux.
«Guerre contre Cuba»
Si le gouvernement n'a pas souhaité confirmer qu'il avait volontairement restreint l'accès à internet, se bornant à souligner son «droit à se défendre», une présentatrice de la télévision d'Etat a lâché le morceau mardi soir.
«Je comprends comme journaliste, même si ça me porte préjudice, la mesure de couper l'accès aux réseaux sociaux car c'est le terrain où s'organise la guerre contre Cuba», a-t-elle déclaré.
Pour le politologue cubain Harold Cardenas, «ce serait une simplification que de dire qu'il s'agit d'une campagne des Etats-Unis, car évidemment il y a beaucoup d'autres raisons derrière les manifestations». Par exemple «je connais des communistes qui ont été arrêtés l'autre jour pour avoir participé aux manifestations».
«Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas de responsabilité des Etats-Unis dans ces troubles», avec ses sanctions qui constituent un «étranglement intentionnel de la population cubaine».
«Campagne orchestrée»
Et il est vrai que les réseaux sociaux «ont aussi servi à créer des réalités parallèles», alors que de nombreuses fausses informations et images manipulées ont été partagées ces derniers jours à Cuba. «Il y a une intention depuis l'étranger de créer de l'incertitude dans le pays». Mais le gouvernement «attribue une importance exagérée à ce qui s'est passé sur Twitter», ces manifestations étant surtout motivées par «la fatigue, l'épuisement (dû à la crise) économique».
Même opinion chez Julian Macia Tovar: «Au-delà du fait qu'il s'agit d'une campagne orchestrée» depuis l'étranger, «il y a des gens qui manifestent, qui ont des demandes et ce que le gouvernement cubain doit faire, c'est respecter le droit à manifester».