Sommet de Hanoï Pourquoi Trump et Kim se rencontrent-ils à nouveau?

dpa / tmxh

27.2.2019

Le sommet entre le président américain Donald Trump et le dirigeant nord-coréen à Hanoï est attendu avec impatience. Mais pourquoi se retrouvent-ils si peu de temps après la rencontre précédente?

Deux pyromanes qui se présentent désormais comme des pompiers: en premier lieu, Kim Jong-un a effrayé le monde entier avec ses essais d’armes nucléaires et de roquettes, avant que Donald Trump ne brandisse face à «Little Rocket Man» la menace du «feu et [de] la fureur» et d’un «anéantissement total».

Si le premier sommet historique entre le président des Etats-Unis et le dirigeant nord-coréen, en juin 2018 à Singapour, a exorcisé la menace d’une guerre imminente, la deuxième rencontre organisée ce mercredi et ce jeudi à Hanoï devrait symboliquement consolider la paix – même si l’objectif du désarmement nucléaire est remis aux calendes grecques.

Somme toute, quelques mois seulement après le premier sommet, les deux hommes semblent se rendre à cette rencontre pour la symbolique et le spectacle. C’est ce que montre déjà l’arrivée de Kim Jong-un, qui a effectué le voyage de 4500 kilomètres jusqu’au Vietnam à bord de son train privé blindé.

Les deux hommes d’Etat aiment les apparitions remarquées. Il serait donc concevable que Donald Trump et Kim Jong-un déclarent la fin de la guerre de Corée (1950-1953). Plus de six décennies après le cessez-le-feu, il s’agirait d’une mesure de confiance de dimension historique et peu coûteuse.

Ce ne serait qu’un premier pas vers un traité de paix – puisqu’en vertu du droit international, la péninsule coréenne est toujours en situation de guerre. «Le président [Donald] Trump est prêt à mettre fin à cette guerre», a déclaré l’envoyé spécial américain pour la Corée du Nord, Stephen Biegun.

Un désarmement à petits pas

Dans le cadre du démantèlement de l’arsenal d’armes nucléaires et de roquettes, Donald Trump se contente depuis longtemps de petits pas. Déjà dans la foulée de la rencontre avec Kim Jong-un à Singapour, le président des Etats-Unis s’est emballé en annonçant: «Il n’y a plus de menace nucléaire venant de la Corée du Nord.» Depuis, il pèse davantage ses mots mais se montre optimiste quant au fait que ses efforts en vue du désarmement nucléaire en Corée du Nord – et donc de la résolution d’une des crises mondiales les plus dangereuses – porteront également leurs fruits.

«Avec une dénucléarisation complète, la Corée du Nord deviendra rapidement une puissance économique. Sans cela, on en reste juste au même point. Le président Kim [Jong-un] prendra une sage décision», a tweeté un Donald Trump optimiste en prévision du sommet.

Dan Coats, coordinateur des services secrets américains, n’a pas partagé cette confiance, déclarant au grand dam de Donald Trump devant le Congrès américain: «Nous estimons actuellement que la Corée du Nord cherchera à conserver ses capacités en matière d’armes de destruction massive.» Il est selon lui peu probable que Kim Jong-un renonce à ses armes nucléaires, puisqu’il les considère comme vitales pour son régime. Pour autant, mieux vaut se parler qu’échanger des tirs.

Aujourd’hui, Donald Trump aime parler d’une rencontre avec Barack Obama survenue après sa victoire électorale en novembre 2016, lorsque le président sortant l’a invité à la Maison-Blanche. «Je lui ai demandé: "Quel est le plus gros problème?" Il a répondu: "La Corée du Nord, de loin." Et je ne veux pas parler à sa place, mais je pense qu’il aurait déclenché une guerre avec la Corée du Nord», a déclaré Donald Trump à propos de Barack Obama. «Il m’a dit qu’il était sur le point de commencer une grande guerre avec la Corée du Nord.»

Il convient de se demander si Donald Trump restitue fidèlement la conversation. Sa conclusion semble encore plus douteuse: «Si je n’avais pas été élu président des Etats-Unis, nous serions actuellement, à mon avis, dans une guerre majeure avec la Corée du Nord avec potentiellement des millions de personnes tuées.»

«Nous n’étions pas au bord d’une guerre avec la Corée du Nord en 2016», précise Ben Rhodes, à l’époque vice-conseiller à la sécurité nationale de Barack Obama. John Brennan, alors directeur de la CIA, est également convaincu que «le président [Barack] Obama n’a jamais été sur le point de déclencher une quelconque guerre avec la Corée du Nord, qu’elle fût de grande ou de petite envergure».

L’image d’un empêcheur de guerre

Cependant, avec cette présentation habile, le président américain peut dans tous les cas dépeindre sa politique nord-coréenne comme un succès: même si les pourparlers ne progressent pas et s’il n’atteint pas son objectif d’une «dénucléarisation définitive et pleinement vérifiée» de la Corée du Nord, il aura au moins empêché une guerre.

«Il est si amusant de voir des gens qui ont échoué pendant des années et qui n’ont rien obtenu me dire comment négocier avec la Corée du Nord», a écrit Donald Trump sur Twitter.

Les deux parties ne sont même pas d’accord sur la définition exacte de la «dénucléarisation» tant évoquée. Mais toujours est-il que les derniers essais d’armes nucléaires et de roquettes remontent à plus d’un an. Ainsi, la politique de la carotte (la promesse de développement économique) et du bâton (la menace d’une annihilation totale avec des sanctions simultanées) employée par Donald Trump vis-à-vis de la Corée du Nord a-t-elle un effet? Ou est-ce la politique de rapprochement de Kim Jong-un qui permet de progresser?

Une chose semble certaine: même après le sommet vietnamien, le désarmement nucléaire de la Corée du Nord ne sera que légèrement plus proche – au mieux. «Selon moi, nous pouvons affirmer que nous avons plus de travail devant nous que derrière nous», a déclaré Stephen Biegun, l’envoyé spécial de Donald Trump.

Une diversion face aux problèmes aux Etats-Unis

Une déclaration de paix fracassante à Hanoï aiderait le maître de la diversion Donald Trump à l’emporter sur les gros titres peu flatteurs à l’échelle nationale, notamment la débâcle du «shutdown», l’arrêt des activités du personnel gouvernemental. Il y a ensuite le différend sur l’état d’urgence décrété par Donald Trump à la frontière avec le Mexique, que la plupart des Américains rejettent. De plus, les démocrates au Congrès compliquent la vie de Donald Trump. Mais surtout, le procureur spécial du FBI Robert Mueller dirige actuellement une enquête afin de déterminer l’existence d’accords secrets conclus en 2016 entre le camp électoral de Donald Trump et la Russie.

Les pressions subies par Donald Trump arrivent à point nommé pour son adversaire Kim Jong-un. A ses yeux, le point de départ du sommet est le suivant: vous devez vous bouger, nous avons fait les premiers pas, nous sommes prêts à prendre de nouvelles mesures, mais vous n’avez pratiquement rien fait. Pour le dirigeant, l’arrêt des essais de roquettes et d’armes nucléaires fait partie de ces acomptes, au même titre que le dynamitage de tunnels sur le site d’essais nucléaires de Punggye-ri, qui aurait rendu la zone montagneuse inutilisable pour de nouveaux essais.

La promesse faite par Kim Jong-un à son propre peuple est de renouveler l’économie nationale chancelante. Les sanctions barrent la route au projet. Jusqu’à présent, Kim Jong-un n’est pas parvenu à surmonter les pénuries alimentaires qui mettent à mal la population du pays isolé depuis de nombreuses années. Il reste à voir au cours du sommet dans quelle mesure Washington sera disposé à répondre aux appels en faveur d’un assouplissement des sanctions, au-delà d’une déclaration de paix mettant un terme à la guerre de Corée.

Kim Jong-un a déclaré au président sud-coréen Moon Jae-in en septembre dernier qu’il était prêt à démanteler le grand complexe nucléaire de Yongbyon si les Etats-Unis lui accordaient des contreparties adéquates. Le complexe abrite entre autres un réacteur et une usine de retraitement qui produisent du plutonium utilisé dans les bombes. On présume que lors du sommet de Hanoï, Kim Jong-un pourra peut-être présenter des plans en vue du démantèlement des sites nucléaires et de l’admission d’inspecteurs internationaux.

Une grande portée symbolique

Un démantèlement aurait une grande portée symbolique, estime-t-on. Une équipe de chercheurs du Center for International Security and Cooperation (CISAC) de l’université Stanford réunie autour de Siegfried Hecker, spécialiste de la Corée du Nord, a conclu que l’année dernière, le pays a «continué d’exploiter ses installations nucléaires pour produire du plutonium et de l’uranium hautement enrichi qui pourraient lui permettre de faire passer le nombre d’armes nucléaires dans son arsenal d’une trentaine en 2017 à 35-37».

Néanmoins, même si la démolition de Yongbyon doit commencer, la Corée du Nord continue de gagner du temps avant de devoir se séparer de ses armes nucléaires. Selon les indications données par l’ancien diplomate de haut rang nord-coréen Thae Yong-ho, qui s’est enfui en Corée du Sud en 2016, Yongbyon abrite 390 installations. «Même s’il y a un accord, les inspections, le démantèlement et ensuite la vérification et la fermeture des installations ne peuvent pas être achevés au cours du mandat du président [Donald] Trump.»

Ancien partisan du système devenu détracteur virulent de Pyongyang, Thae Yong-ho est également convaincu que la Corée du Nord n’abandonnera jamais ses armes nucléaires: «Que leur reste-t-il si on leur retire les armes nucléaires? Rien.»

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