Une visite rarePoutine en Corée du Nord: pourquoi maintenant et dans quel but?
AFP
17.6.2024
Le président russe Vladimir Poutine se rend en Corée du Nord mardi pour rencontrer le dirigeant Kim Jong Un, une visite rare, qui devrait encore resserrer les liens entre ces deux pays perçus comme des menaces par l'Occident.
AFP
17.06.2024, 19:56
Marc Schaller
A quand remonte ce rapprochement?
Lors de sa création en 1948, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la Corée du Nord s'est rapprochée de l'Union soviétique.
Mais l'effondrement de l'URSS en 1991 a privé la Corée du Nord de son principal bienfaiteur, contribuant à déclencher une famine généralisée quelques années plus tard.
Peu de temps après son accession à la présidence, en 2000, Vladimir Poutine a cherché à renouer les liens avec la Corée du Nord, devenant le premier dirigeant russe à se rendre à Pyongyang pour rencontrer le père de Kim Jong Un, Kim Jong-il.
Malgré cela, au milieu des années 2000, la Russie, en sa qualité de membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, a soutenu les sanctions imposées à la Corée du Nord en raison du développement de son programme nucléaire.
Lorsque Kim Jong Un a succédé à son père en 2011, il a d'abord tenté de trouver un équilibre entre la Russie et la Chine, autre allié historique nord-coréen.
Mais Moscou et Pyongyang n'ont cessé de se rapprocher depuis, la Russie ayant effacé la majeure partie de la dette de son allié en 2012.
En 2019, Kim Jong Un s'était rendu en train en Russie, à Vladivostok, pour rencontrer Vladimir Poutine.
Pourquoi cette visite maintenant?
Les deux pays, sous le coup de sanctions internationales d'ampleur, ont considérablement resserré leurs liens depuis l'invasion russe en Ukraine en février 2022.
De plus en plus isolé sur la scène internationale, Moscou cherche des alliés.
Ce voyage a lieu neuf mois après que M. Poutine a à nouveau accueilli le dirigeant nord-coréen dans l'Extrême-Orient russe, une visite au cours de laquelle les deux hommes s'étaient couverts d'éloges mais sans conclure, officiellement du moins, d'accords.
Selon les Occidentaux, Pyongyang a puisé dans ses vastes stocks de munitions pour ravitailler massivement la Russie. Et le Pentagone a accusé la semaine dernière Moscou d'user de missiles balistiques nord-coréen en Ukraine.
En échange, selon Washington et Séoul, la Russie a fourni à la Corée du Nord son expertise pour son programme de satellites et a envoyé de l'aide alimentaire à Pyongyang. La Russie a apposé en mars son veto au Conseil de sécurité de l'ONU pour mettre fin à la surveillance des violations présumées des sanctions internationales visant la Corée du Nord.
«Pendant la Guerre froide, la Corée du Nord était toujours en position de réclamer auprès de la Russie une aide militaire et économique», analyse pour l'AFP Cheong Seong-chang, de l'Institut Sejong, basé à Séoul.
Mais aujourd'hui, les deux pays «coopèrent de manière égale» pour la première fois, poursuit l'expert, ajoutant qu'il s'agit d'une sorte de «lune de miel».
Quels profits pour l'un et l'autre ?
Pour Kim Jong Un, «cette visite est une victoire», renchérit Leif-Eric Easley, professeur à l'université Ewha de Séoul.
Des analystes mettent en garde contre l'intensification des essais et de la production de missiles d'artillerie et de croisière par la Corée du Nord, qui dispose de l'arme nucléaire, en vue de futures livraisons d'armes à la Russie contre l'Ukraine.
Le conseiller diplomatique de Vladimir Poutine, Iouri Ouchakov, a évoqué la signature de «documents importants, très significatifs».
Le maître du Kremlin sera notamment accompagné de son chef de la diplomatie, Sergueï Lavrov, et de son ministre de la Défense, Andreï Belooussov.