De l'incompréhension à la haine Poutine et Zelensky, le face-à-face guerrier de deux opposés

ATS

15.2.2023 - 09:32

L'un est un ancien du KGB accroché au pouvoir depuis plus de 20 ans, honni d'une bonne partie du monde, l'autre un ex-comédien devenu chef de guerre et adulé en Occident. Entre Vladimir Poutine, 70 ans, et Volodymyr Zelensky, 45 ans, le choc des armées est aussi celui de deux figures contraires.

Représentations de Poutine et Zelensky sur des poupées russes. 
Représentations de Poutine et Zelensky sur des poupées russes. 
Keystone

«Il est évident qu'il s'agit de deux types de dirigeants fondamentalement différents. L'un moderne, jeune, informel, axé sur le développement. L'autre fermé, archaïque, autoritaire avec des complexes et des idées folles», assène auprès de l'AFP le politologue russe Andreï Kolesnikov du centre Carnegie.

Tous deux sont nés dans un même pays: l'URSS. Mais leurs 25 ans de différence d'âge marquent la rupture entre deux approches du monde. Pour M. Poutine, une quête de puissance teintée d'un revanchisme nostalgique. Pour M. Zelensky, l'ouverture à l'Occident et la modernité. Depuis l'entrée des troupes russes en Ukraine le 24 février 2022, cette opposition de principe est devenue celle des armes, dans un combat aux allures de David contre Goliath.

Investi en 2019, M. Zelensky – un ancien comédien – n'avait d'autre expérience politique que ses prises de parole sur les réseaux sociaux. Une habitude qui l'a suivi en temps de guerre avec des discours vidéo bien rodés diffusés chaque soir, dans lesquels il donne espoir aux Ukrainiens et promet la victoire.

Les traits tirés par une année de combats, les yeux cernés, presque toujours vêtu d'un t-shirt kaki, le président ukrainien a été transformé par le conflit, se forgeant une aura nationale et internationale. Et il n'hésite guère à régulièrement encourager le moral des troupes sur le front, comme en décembre 2022 à Bakhmout, l'épicentre des combats dans l'Est.

«Il n'est personne»

Pour le politologue ukrainien Anatoli Oktysiouk, le maître du Kremlin avait totalement méjugé son homologue. «Poutine le traitait comme un clown, un comique, un bouffon. L'invasion (...) est le résultat d'avoir sous-estimé Zelensky, de son arrogance, de son manque de respect», dit-il.

Loin du terrain contrairement à son adversaire, Vladimir Poutine a acquis l'image d'un reclus, restant essentiellement au Kremlin pour d'interminables visioconférences télévisées avec des ministres et des hauts fonctionnaires, accusant l'Ukraine de nazisme ou menaçant l'Occident.

Car le président russe évite la plupart des engagements publics. Jamais n'a-t-il approché la zone de guerre, ni même participé à un enterrement de soldat, contrastant avec l'image d'homme fort et de dur-à-cuire qu'il avait cultivée durant des années, entre démonstration de judo et chevauchées torse nu dans la taïga.

L'incompréhension mutuelle entre Volodymyr Zelensky et Vladimir Poutine s'est, elle, muée en haine. «Pour moi, il n'est personne», lançait fin janvier M. Zelensky à propos de son homologue.

«Incompatibles»

En marge du forum économique de Davos, il a même évoqué la possibilité que M. Poutine soit mort, sous-entendant qu'un sosie a pu être installé à sa place. «Je n'arrive pas à déterminer s'il est vraiment vivant, si c'est lui qui prend les décisions ou quelqu'un d'autre», a lâché M. Zelensky, vêtu d'un pull à capuche barré des mots «I'm Ukrainian».

Vladimir Poutine n'est pas en reste, traitant M. Zelensky et son équipe de «clique de drogués et de néonazis» orchestrant un «génocide» de la population russophone d'Ukraine. «Poutine ne considère pas Zelensky comme le type d'homme politique avec lequel il est prêt à parler ou à négocier. Pour lui, Zelensky est un étranger, ils sont incompatibles», souligne Andreï Kolesnikov.

Une rencontre en 2019

L'ancien Premier ministre israélien Naftali Bennett a assuré début février avoir reçu l'assurance de M. Poutine, dans les premiers jours de la guerre, qu'il ne tuerait pas son homologue ukrainien. Avant l'invasion, les deux présidents s'étaient rencontrés en 2019 pour une médiation de paix pour l'Est de l'Ukraine, où les forces de Kiev combattaient des séparatistes prorusses contrôlés par Moscou.

Lors de cette rencontre à Paris, le président ukrainien fraîchement élu apparaissait en retrait face à son homologue, bien plus expérimenté, aux antipodes de la détermination affichée par M. Zelensky aujourd'hui. Lors d'un moment qui a fait jaser, M. Poutine, assis à la table des négociations, avait enjoint à son homologue ukrainien de se tourner vers les caméras, ce dernier s'exécutant immédiatement, tout sourire.

A Moscou, c'est une autre apparition de M. Zelensky qui est restée dans les mémoires. Celle de son numéro lors d'une émission du Nouvel an 2013 à la télévision russe. En costume et noeud papillon, Volodymyr Zelensky, alors comédien, y chante, danse et enchaîne les blagues sous les rires et applaudissements du gratin culturel et médiatique russe, celui-là même qui l'insulte aujourd'hui. Une autre époque.