Presque silencieux depuis les élections législatives, Xavier Bertrand laisse parler son entourage pour porter sa candidature à Matignon et mettre en avant son profil de «droite sociale» cultivé depuis plus de vingt ans, selon lui au barycentre d'une nouvelle Assemblée pourtant réputée ingouvernable.
Le 9 juillet, au surlendemain du deuxième tour des élections législatives, le président LR des Hauts-de-France avait appelé à «un gouvernement d'urgence nationale, avec Les Républicains, les indépendants, le camp de M. Macron et peut-être aussi des hommes et des femmes de bonne volonté qui veulent clairement que notre pays ne soit pas paralysé à l'Assemblée». Pour diriger cet attelage, sa propre candidature devait s'imposer.
Si depuis cette sortie, l'ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy fuit les micros, son entourage parle à sa place.
«Il est prêt à relever le défi, il est préparé», a assuré un de ses proches, cité mardi par le Figaro Magazine, faisant écho à un concert de louanges commencé fin juillet.
«Il a un très bon profil dans le contexte», salue l'ancien patron de la droite Jean-François Copé, quand le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin voit en lui un «homme politique avec une très grande compétence», qui «peut servir grandement la France».
La ministre démissionnaire Aurore Bergé - autrefois sarkozyste - l'a encore cité dimanche comme possible «nouveau Premier ministre» qui sache «construire des compromis».
Au même moment, Xavier Bertrand s'affichait sur une terrasse courue du tout-Paris politique avec Bertrand Pancher, ex-député dont l'influence est réputée intacte auprès des parlementaires du groupe indépendant Liot, manière de montrer sa capacité à rassembler les «bonnes volontés» pour tenter de bâtir une majorité, fût-elle relative.
«Sécurité» et «immigration»
Une nomination à Matignon viendrait consacrer la carrière singulière de Xavier Bertrand, agent d'assurance d'une sous-préfecture de l'Aisne, Saint-Quentin, qui a gravi un à un les échelons, parfois en essuyant la condescendance de ses contemporains politiques.
L'ancien maire de cette ville durement touchée par le déclin industriel s'est également démarqué par son positionnement politique, héraut auto-proclamé d'une «droite sociale» cultivée par ses expériences aux ministères de la Santé et du Travail, encore affinée à la tête de la région Hauts-de-France.
Mais la stratégie de celui qui fêtera ses 60 ans en mars a également parfois dérouté, quitte à apparaître marginalisé. Après l'élection d'Emmanuel Macron en 2017, à l'heure du «dépassement» qui convainc plusieurs de ses proches - dont l'alors LR Gérald Darmanin -, il se projette en premier opposant de ce nouveau pouvoir, sans vraiment parvenir à s'imposer.
Six mois plus tard, il claque la porte de son parti lorsque les militants républicains portent à sa tête Laurent Wauquiez, à qui il reproche des positions droitières. Mais il consent quatre ans plus tard à reprendre sa carte pour concourir à la primaire de la droite en vue de la présidentielle de 2022... à laquelle il finit quatrième à l'issue du premier tour.
Partisan du «non» au Traité de Maastricht de 1992 - comme Charles Pasqua et Philippe Séguin, mais à rebours de Jacques Chirac -, puis favorable à la Constitution européenne soumise au référendum en 2005, Xavier Bertrand avait ardemment combattu le mariage pour tous en 2013.
Il résume désormais sa philosophie par une double injonction: «Plus de sécurité, moins d'immigration», tout en prônant un abaissement des impôts de production.
Pour fil rouge, une attaque continue de la macronie et de la politique menée depuis 2017, parfois au risque de l'absence de nuance, mais qui apparaît désormais comme un atout alors que l'Elysée cherche à insuffler «un parfum de cohabitation» à la nouvelle législature qui s'ouvre.
Incontournable ?
Incontournable, Xavier Bertrand ? Son statut de presque favori pour Matignon pourrait paradoxalement réduire ses chances, selon la tradition macronienne de «toujours surprendre» quant au choix du Premier ministre - Gérald Darmanin ou Julien Denormandie en ont fait les frais en leur temps.
L'équation politique de la nouvelle Assemblée semble par ailleurs ardue à résoudre. «Ce que je ne vois pas arithmétiquement, c'est comment Xavier Bertrand peut décrocher une partie de la gauche: qui irait du PS dans son gouvernement?», interroge un macroniste historique.
Sa nomination serait une «aberration» au vu du poids de son parti à l'Assemblée (47 députés sur 577) et de son parcours, cingle la candidate du Nouveau Front populaire pour Matignon, Lucie Castets, dans le quotidien Sud Ouest.
Retour sur toutes les dissolutions de l'Assemblée nationale
La rédaction vous propose un voyage dans le temps à travers les cinq dernières dissolutions sous la Cinquième République.
26.06.2024