«C'est très inquiétant» La répression en Russie est à un niveau «sans précédent» depuis Staline

sn, ats

22.9.2023 - 09:48

Le niveau de répression en Russie est «sans précédent» depuis l'époque stalinienne, selon la rapporteuse spéciale de l'ONU sur ce pays. Le nombre de plaintes d'individus auprès de mécanismes onusiens a largement augmenté, a affirmé vendredi à Genève Mariana Katzarova.

La Russie du président Vladimir Poutine inflige une répression «sans précédent» à sa population selon une experte indépendante de l'ONU (archives).
La Russie du président Vladimir Poutine inflige une répression «sans précédent» à sa population selon une experte indépendante de l'ONU (archives).
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Keystone-SDA, sn, ats

«Ce n'est pas encore aussi mauvais» qu'à l'époque stalinienne, a-t-elle dit à la presse. La répression est «sophistiquée» et «chaque semaine, une nouvelle loi ajoute des restrictions».

Mme Katzarov a aussi dit que «la Russie a fermé sa société». La communauté internationale a encore la possibilité, en poursuivant la surveillance de la situation, d'éviter une détérioration supplémentaire, selon elle.

Il y a une semaine, une statue du premier chef de la police politique soviétique Félix Dzerjinski a été dévoilée en face du siège des services de sécurité du FSB. Là même où une autre avait été déboulonnée en 1991 au moment de la fin de l'Union soviétique.

«C'est un signe très inquiétant», estime Mme Katzarova. Elle souhaite que cette statue soit remplacée par une autre en hommage aux femmes des détenus politiques, comme l'une d'entre elles l'avait proposé. «C'est encore plus pertinent aujourd'hui», insiste la rapporteuse spéciale, relevant la lutte d'Evgenia Kara-Murza, épouse de l'opposant Vladimir Kara-Murza condamné à 25 ans de prison.

Plusieurs milliers de détenus politiques

«Toutes les femmes de ceux qui sont persécutés sont en train de devenir la prochaine génération d'activistes des droits humains», a-t-elle ajouté.

Dans son rapport dévoilé lundi et présenté jeudi devant le Conseil des droits de l'homme, elle affirme que la situation des droits humains en Russie s'est «significativement détériorée» depuis le début de la guerre en Ukraine. Elle dénonce notamment l'augmentation des condamnations «politiquement motivées». Rien que l'année dernière, 513 personnes ont été poursuivies pour ce type de charges et 198 affaires ont été lancées cette année.

Le chiffre atteint plus de 3000 depuis une vingtaine d'années. Les lourdes condamnations prononcées récemment contre les opposants Alexeï Navalny et Vladimir Kara-Murza sont inquiétantes en termes «d'instrumentalisation du système judiciaire pour des objectifs politiques», selon le rapport.

Vendredi, Mme Katzarova a expliqué à la presse que le nombre de plaintes individuelles auprès du Comité des droits de l'homme de l'ONU et d'autres mécanismes a largement augmenté, a «peut-être été multiplié par trois». Ce dispositif permet aux citoyens de chercher d'autres voies que les tribunaux, affirme-t-elle.

Pas de représailles selon elle

L'experte indépendante, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU, a affirmé ne pas avoir eu d'indication pour le moment de représailles contre ceux qui collaborent avec elle. Elle promet de les relayer directement au secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres si elles devaient arriver. Plus largement, «je suis prête à entendre toute requête, plainte ou réclamation» sur la situation des droits humains, dit-elle.

Elle-même affirme ne pas avoir subi de campagne de dénigrement de Moscou pour sa nationalité bulgare, alors que son pays est candidat en octobre prochain contre la Russie pour un siège au Conseil des droits de l'homme. Elle se dit ravie de cette volonté de son gouvernement de devenir membre de l'instance.

Pour autant, l'ambassadeur russe à l'ONU à Genève Guennadi Gatilov l'avait accusée en juin dernier d'être «russophobe» parce qu'elle a travaillé dans de nombreuses organisations internationales avant son mandat. Il est «malavisé», s'est contenté de dire vendredi Mme Katzarova.

La Bulgare a démarré son mandat début mai. «C'est un début», selon elle, relevant le fait qu'elle a pu rendre un rapport après quatre mois seulement. Le mandat sera renouvelé ou non pour un an dans quelques semaines par les Etats du Conseil des droits de l'homme à Genève.