«Spectacle désolant» Retraites en France: les débats s'achèvent dans la confusion à l'Assemblée

ATS

18.2.2023 - 08:02

Dans la confusion, l'Assemblée française a conclu vendredi à minuit, sans vote, l'examen en première lecture du projet de réforme des retraites, sur un énième imbroglio au sujet des carrières longues. L'examen du texte doit désormais se poursuivre au Sénat.

Dans la confusion, l'Assemblée française a conclu vendredi à minuit l'examen en première lecture du projet de réforme des retraites (archives).
Dans la confusion, l'Assemblée française a conclu vendredi à minuit l'examen en première lecture du projet de réforme des retraites (archives).
KEYSTONE

Les députés ont enchaîné avec l'étude d'une motion de censure déposée par le Rassemblement national (RN), qui n'a cependant aucune chance de réunir les voix suffisantes. En préambule, Marine Le Pen a dénoncé «un projet (...) mal porté et mal expliqué», ainsi qu'un «déni de démocratie» du gouvernement.

La Première ministre française Elisabeth Borne lui a répondu en soulignant que ce débat sur les retraites avait montré les visages de «deux populismes», ceux de l'extrême droite et de la France insoumise (LFI). Le débat sur la réforme phare d'Emmanuel Macron s'est achevé à l'heure prévue par la Constituton, à minuit pile.

France : fin de l'examen en première lecture de la réforme des retraites à l'Assemblée

France : fin de l'examen en première lecture de la réforme des retraites à l'Assemblée

L'examen en première lecture de la réforme des retraites en France a pris fin à l'Assemblée nationale, sans arriver à l'article décisif sur le recul de l'âge légal, chaque camp s'accusant d'éviter stratégiquement un vote qui pourrait tourner en sa défaveur, et la gauche se divisant sur la stratégie.

18.02.2023

«Le gouvernement saisira le Sénat du texte qu'il a initialement présenté, modifié par les amendements votés par votre Assemblée», a annoncé le ministre du Travail Olivier Dussopt, la voix rauque. «Vous m'avez insulté 15 jours, personne n'a craqué et nous sommes là devant vous pour la réforme», a-t-il lancé, furieux, aux députés LFI, quittant l'hémicycle, certains chantant «on est là, on est là».

«Macron en échec à l'Assemblée. La retraite à 64 ans n'est pas passée», a réagi avant même la fin des débats le leader de LFI Jean-Luc Mélenchon dans un billet de blog. «Cette réforme n'a pas de légitimité parlementaire», a abondé face aux journalistes la présidente du groupe Mathilde Panot.

Position claire exigée

Sans surprise au vu du nombre d'amendements restant, essentiellement des Insoumis, et de la date butoir fixée à minuit, les débats se sont interrompus très loin du fameux article 7 sur le report de l'âge légal à 64 ans.

Tout au long de la soirée la discussion a porté sur la durée de cotisation pour les retraités pouvant bénéficier du dispositif «carrières longues», c'est-à-dire ceux qui ont sont entrés dans le monde du travail avant 21 ans. Quarante-trois ou 44 ans? La question n'a pas été clairement tranchée.

Une partie des députés LR, menés par Aurélien Pradié, exige que tous les travailleurs ayant commencé avant cet âge puissent partir à la retraite après 43 années de cotisations, sans que l'âge légal ne soit une barrière.

«Je ne dirai jamais devant l'Assemblée nationale que la durée de cotisation serait un plafond», a déclaré Olivier Dussopt, estimant que ce serait «mentir». «Nous ne pouvons pas sortir de tout ça avec des doutes», lui a répondu Aurélien Pradié, demandant une position claire.

«Spectacle désolant»

La gauche parlementaire s'est elle divisée sur la stratégie à adopter, les écologistes regrettant auprès de l'AFP «un raté stratégique» de LFI. Jeudi soir, Jean-Luc Mélenchon avait jugé «incompréhensible» le retrait d'amendements à gauche et appelé les députés à ne pas se «précipiter» vers l'article 7. «Hâte de se faire battre?», avait-il demandé, reconnaissant au passage la possibilité que le gouvernement l'emporte.

Les syndicats pressaient l'alliance de gauche d'aller jusqu'à cet article clé du projet de réforme. «L'assemblée nationale donne un spectacle désolant, au mépris des travailleurs. Honteux», a réagi dans la soirée le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger.

Les dernières manifestations ont rassemblé jeudi 1,3 million de personnes selon la CGT et 440'000 selon le ministère de l'Intérieur. C'est le chiffre le plus faible depuis le début de la mobilisation, dans l'attente du 7 mars où les syndicats menacent de mettre le pays «à l'arrêt» si le gouvernement ne retire pas la réforme. La CGT a appelé vendredi à la grève reconductible dans les raffineries dès le lundi 6 mars.

«Qui va imposer son récit?»

A gauche, l'attention se porte donc sur les prochaines mobilisations dans la rue. «On pense au mouvement social. J'espère que la séquence ne va pas l'affaiblir. En 2020 on était crevés mais fiers, là non», souffle une source au sein du groupe communiste. «Le 7 mars, nous vous ferons plier», a promis Matthias Tavel (LFI).

Dans l'hémicycle, le ton était déjà monté dans la journée entre le gouvernement et le Rassemblement national (RN), Marine Le Pen accusant l'exécutif d'avoir pour «objectif» de «faire baisser» les revenus des retraités, ce qu'a récusé Gabriel Attal. «Vous n'avez pas de solution à proposer aux Français, et les Français le voient», a accusé le ministre.

«Ca va être sport», estime un élu Renaissance. «L'enjeu, c'est qui va imposer son récit», a-t-il ajouté, tant il semble difficile de dire qui du gouvernement ou des oppositions sort renforcé de cette première manche parlementaire. Le Sénat se saisira du texte le 2 mars.