FranceRetraites: mobilisation avant le verdict du Conseil constitutionnel
hl
13.4.2023 - 14:39
Les opposants à la réforme des retraites en France donnent de nouveau de la voix jeudi. Cette journée intervient à la veille du verdict du Conseil constitutionnel sur le projet-phare du président Emmanuel Macron.
hl
13.04.2023, 14:39
13.04.2023, 14:56
ATS
Après quasiment trois mois de contestation, des centaines de milliers de personnes sont encore attendues dans les rues de France, mais la décrue de la mobilisation, amorcée lors des dernières journées d'action, semble se confirmer.
Les autorités prévoient entre 400 et 600'000 personnes dans les rues, à comparer avec les 570'000 recensés le 6 avril et 740'000 le 28 mars.
A Toulouse (sud-ouest), Véronique Goutagny, 60 ans, agente d'escale chez Air France, a été de tous les défilés et espère encore «faire plier le gouvernement» mais ne se fait guère d'illusion sur la décision cruciale du Conseil constitutionnel. «Vu sa composition (6 des 9 «Sages» ont été nommés sous Emmanuel Macron, ndlr), il n'y a rien du tout à attendre», dit-elle.
Institution sous haute surveillance
Objet de toutes les attentions, l'institution logée au coeur de Paris est sous haute surveillance. Jeudi matin, une brève tentative de blocage, avec poubelles et fumigènes, s'est soldée par quatre interpellations.
Les «Sages» du Conseil doivent annoncer vendredi, s'ils valident ou censurent, partiellement ou en totalité, la réforme décriée, dont la principale mesure prévoit le recul de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Le lieu et ses abords seront interdits à toute manifestation dès jeudi soir et jusqu'à samedi matin, a fait savoir le préfet de police. «Le Conseil constitutionnel a droit à la sérénité», a justifié le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, en demandant que sa décision soit «respectée de tous».
«On va se revoir»
Des foyers d'agitation persistent néanmoins dans le pays. Côté grèves, les perturbations sont beaucoup moins importantes qu'au début de la mobilisation dans les transports aérien, ferroviaire et dans le métro.
Le transport fluvial est aussi entravé. L'écluse de Kembs, la première sur le Rhin en aval de Bâle, est bloquée depuis mercredi soir à 23h45 par le syndicat CGT. Aucun navire ne peut la franchir. Le blocage de l'écluse a été confirmé à l'agence Keystomne-ATS par la société des Ports rhénans suisses. Selon les médias français BFM Alsace et les Dernières nouvelles d'Alsace, des grévistes de l'industrie électrique et gazière participent à l'action de la CGT.
Comme lors des précédentes journées de mobilisation, des blocages de lycées et d'universités ont été signalés dans plusieurs villes, dont Lille (nord), Paris et Strasbourg (est). Les salariés des raffineries se sont également mobilisés, sans toutefois perturber massivement l'activité des sites.
Le puissant syndicat CGT a par ailleurs appelé les éboueurs parisiens à une nouvelle grève reconductible à partir de jeudi. Le mouvement des éboueurs, qui n'ont pas ramassé les poubelles pendant trois semaines en mars dans la capitale française, a été un des aspects les plus spectaculaires de la crise.
«Ce n'est pas le dernier jour de mobilisation, on va se revoir encore beaucoup», a déclaré jeudi matin la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, depuis l'incinérateur d'Ivry-sur-Seine, près de Paris, à nouveau bloqué par des manifestants.
Des blocages étaient également en cours autour de plusieurs villes de l'ouest, notamment à Caen, Brest et Rennes, où le dépôt de bus était aussi bloqué. A Paris, des grévistes ont envahi brièvement le siège parisien du géant du luxe LVMH, dans le quartier chic des Champs Elysées, avec fumigènes et sifflets.
«Esprit de concorde»
Après un passage de la loi au forceps le 20 mars, le gouvernement ayant utilisé une disposition constitutionnelle permettant l'adoption d'un texte sans vote, la décision du Conseil constitutionnel est la dernière étape avant une promulgation et une entrée en vigueur du texte, que le président Macron souhaite d'ici la fin de l'année.
Il semble peu probable que le Conseil, chargé de vérifier la conformité des lois avec la Constitution, annule la totalité de la réforme. Mais les Sages pourraient élaguer la loi plus ou moins substantiellement et renforcer les arguments de l'intersyndicale en faveur d'un retrait ou d'une suspension de la réforme.
Le Conseil doit aussi se prononcer sur la recevabilité d'un référendum d'initiative partagée demandé par l'opposition de gauche, une procédure devant recueillir 4,87 millions de signatures pour permettre l'organisation d'une consultation sur le texte.
Depuis les Pays-Bas, M. Macron a tendu mercredi la main aux syndicats, avec qui il entretient des relations très tendues, en annonçant qu'il leur proposerait une rencontre «dans un esprit de concorde» après la décision du Conseil.
La France est l'un des pays européens où l'âge de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes soient complètement comparables. Les opposants à cette réforme la jugent «injuste», notamment pour les femmes et les salariés aux métiers pénibles. L'exécutif justifie le projet par la nécessité de répondre à la dégradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la population.