Un tweet d'un député de la France insoumise visant le ministre du travail français Olivier Dussopt a mis le feu à l'hémicycle: l'examen de la réforme des retraites a été momentanément interrompu vendredi à l'Assemblée et le député exclu pour 15 jours de séances, à la veille d'une nouvelle mobilisation espérée massive par les syndicats.
L'auteur du message litigieux, Thomas Portes, s'est vu infliger la plus lourde sanction disciplinaire pour un député, la même que pour Grégoire de Fournas (RN), auteur de propos jugés racistes en novembre.
L'Insoumis, ceint de son écharpe tricolore, s'était mis en scène jeudi sur le réseau social, le pied posé sur un ballon à l'effigie du ministre du Travail.
Malgré les demandes du camp présidentiel, il a refusé vendredi de s'excuser, provoquant un tumulte. La séance a été suspendue le temps de la réunion du bureau de l'Assemblée, plus haute instance collégiale, qui a proposé au bout de deux heures une «exclusion temporaire» en raison d'un «outrage» ou d'une «provocation».
Cette peine disciplinaire, validée par un vote assis-debout dans l'hémicycle, entraîne l'interdiction de paraître au Palais Bourbon pendant quinze jours de séances, soit jusque mi-mars, et la privation de la moitié de l'indemnité parlementaire pendant deux mois. Les collègues de M. Portes ont vivement protesté.
«Instrumentalisé»
M. Portes n'en démord pas: «Je n'ai jamais fait d'appel à la violence à destination du ministre, d'un membre du gouvernement ou de quelque député que ce soit», a-t-il assuré devant la presse, déplorant que son message ait été «utilisé et instrumentalisé par certains».
«Je retirerai mon tweet le jour où vous retirerez votre réforme qui va sacrifier des milliers de gens», avait défié l'Insoumis plus tôt dans l'hémicycle.
16'000 amendements
Les débats sur le projet de la loi doivent reprendre à 21h30, dans un climat de tension exacerbé après une semaine de discussions laborieuses.
La matinée à l'Assemblée s'était pourtant déroulée sans trop d'embûches. Par un vote relativement serré (181 voix contre 163), les députés ont validé l'article 1er du projet de loi, prévoyant l'extinction progressive de la plupart des régimes spéciaux.
A coup de centaines d'amendements, la Nupes a prôné le maintien des régimes visés (RATP, industries électriques et gazières, Banque de France...). A l'inverse, la majorité présidentielle a défendu leur suppression, par mesure «d'équité».
Quelque 16'000 amendements restent à discuter en une semaine sur les 19 autres articles du texte.
«Respect»
Dans une rare prise de parole, à la veille d'une quatrième journée de manifestations, Emmanuel Macron a appelé vendredi les organisateurs de la contestation à conserver leur «esprit de responsabilité» afin que «les désaccords puissent s'exprimer, mais dans le calme, le respect des biens et des personnes, et avec une volonté de ne pas bloquer la vie du reste du pays».
Les trois premières journées de mobilisation ont réuni sans incident notable entre 757'000 personnes selon le ministère de l'Intérieur (2 millions selon les organisateurs) et 1,27 million (2,5 millions).
Samedi, les syndicats espèrent mobiliser ceux qui ne peuvent pas faire grève en semaine. De source policière, il est prévu de 600'000 à 800'000 manifestants dans environ 240 cortèges.
L'intersyndicale a déjà appelé à deux nouvelles journées d'actions, les 16 février et 7 mars, et se prépare à un long bras de fer.