Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, a été mis en examen dans la nuit de mercredi à jeudi à Lille pour «prise illégale d'intérêts» dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne. Il s'agit d'une affaire de favoritisme envers cette société qu'il dirigeait.
Les juges ont pris cette décision après une audience de près de 15 heures. La mise en examen d'un président de l'Assemblée nationale – quatrième personnage de l'Etat français – en cours d'exercice est inédite. Cette affaire, dite des Mutuelles de Bretagne, avait conduit Richard Ferrand, fidèle de la première heure du président Emmanuel Macron, à quitter le gouvernement en juin 2017.
Mais il a cette fois annoncé être «déterminé à poursuivre (sa) mission» à la tête de l'Assemblée, qu'il préside depuis septembre 2018 après avoir dirigé le groupe des députés de La République en Marche (LREM), le parti de M. Macron. Et ce dernier lui a publiquement apporté son soutien. Le président français conserve «toute sa confiance» en M. Ferrand, a déclaré jeudi la porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye.
M. Ferrand est «un homme loyal, droit, qui a un parcours politique exemplaire», et «je crois que (ses jours dans ses fonctions) sont encore très longs», a-t-elle ajouté, en soulignant la nécessité de respecter le principe de la «présomption d'innocence». Sa mise en examen va lui permettre d'accéder au dossier et «se défendre, batailler», a souligné Mme Ndiaye.
Irrégularité contestée
Le journal satirique Le Canard enchaîné avait révélé qu'en 2011 les Mutuelles de Bretagne, que dirigeait alors Richard Ferrand, avaient décidé de louer des locaux commerciaux appartenant à sa compagne. M. Ferrand conteste toute irrégularité.
A l'issue d'un «interrogatoire de première comparution» de près de 15 heures au tribunal de grande instance de Lille, «les trois juges d'instruction saisis du dossier ont décidé de mettre en examen Richard Ferrand pour prise illégale d'intérêts», a indiqué le parquet de Lille.
Le procureur de Brest avait ouvert une enquête préliminaire en juin 2017, classée sans suite en octobre. Il avait invoqué la prescription s'agissant d'un éventuel délit de prise illégale d'intérêts et jugé que les infractions d'abus de confiance et d'escroquerie n'étaient «pas constituées».
Affaire relancée
L'association anticorruption Anticor avait relancé l'affaire en déposant une seconde plainte avec constitution de partie civile, ce qui implique automatiquement la saisine d'un juge d'instruction et l'ouverture d'une enquête.
«Ce rendez-vous aurait dû avoir lieu il y a un an mais M. Ferrand avait réussi à gagner un peu de temps en faisant dépayser son dossier à Lille. On souhaite désormais qu'il s'explique sur les faits qui lui sont reprochés et qui ne sont pas prescrits», a déclaré le président d'Anticor, Jean-Christophe Picard.
Ce coup dur pour la majorité présidentielle intervient alors que, hasard du calendrier, deux autres de ses soutiens, le dirigeant centriste François Bayrou – un poids lourd du camp pro-Macron – et l'ancienne eurodéputée Marielle de Sarnez, ont été entendus le même jour par la police judiciaire dans le cadre d'une affaire d'emplois présumés fictifs d'assistants de députés européens MoDem (centre).
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