Le chef du gouvernement espagnol Pedro Sanchez a échoué jeudi à obtenir la confiance de la Chambre des députés pour rester au pouvoir. Il n'est pas parvenu à un accord de coalition avec la gauche radicale de Podemos.
Ce vote rapproche l'Espagne de nouvelles élections anticipées, qui seraient les quatrièmes en quatre ans. Avec 124 voix pour, celles de son parti et d'un député régionaliste, 155 contre et 67 abstentions, le socialiste n'a pas obtenu la majorité simple qui lui suffisait pour être réinvesti.
Arrivé au pouvoir il y a un an à la faveur d'une motion de censure, Pedro Sanchez devient le premier candidat à échouer à deux reprises à se faire élire chef du gouvernement.
Il avait déjà échoué en 2016, la gauche radicale de Podemos refusant de soutenir son accord avec les libéraux de Ciudadanos, ce qui avait provoqué de nouvelles élections remportées par la droite.
Accusations mutuelles
Après d'âpres négociations en vue de former le premier gouvernement de coalition depuis les années 1930, socialistes et Podemos se sont rejetés la faute de leur échec.
«C'est la deuxième fois que vous allez empêcher que l'Espagne ait un gouvernement de gauche», a lancé à Podemos la chef du groupe socialiste à la Chambre Adriana Lastra.
Vainqueur des législatives d'avril avec seulement 123 sièges sur 350, le chef du gouvernement sortant avait absolument besoin d'alliances pour rester au pouvoir.
Mais Podemos, à qui les socialistes ont reproché de n'avoir discuté que de portefeuilles ministériels et pas d'un programme, s'est finalement abstenu alors que ses votes étaient indispensables pour investir M. Sanchez.
Jusqu'en septembre?
Pedro Sanchez, qui continue a expédier les affaires courantes, a maintenant jusqu'au 23 septembre pour retenter sa chance, faute de quoi les Espagnols devraient retourner aux urnes en novembre.
La vice-présidente du gouvernement Carmen Calvo a cependant rappelé qu'après le vote de jeudi, Pedro Sanchez ne serait plus candidat à former un gouvernement. Il faudrait en effet que le roi lui confie à nouveau formellement cette tâche.
Devant la chambre, Pablo Iglesias lui a tendu à nouveau la main: «Soyons capables de faire ce que vous n'avez pas été capables de faire pendant trois longs mois: négocier un gouvernement avec respect pour votre partenaire», a-t-il réclamé aux socialistes.
Gouvernement en cohésion
Mais le candidat ne cache pas sa méfiance. «J'aspire (...) à diriger le gouvernement de l'Espagne, mais pas à n'importe quel prix ni avec n'importe quel gouvernement», a-t-il dit.
«Vous ne comprenez toujours pas, M. Iglesias, qu'il faut un gouvernement cohérent et en cohésion. Pas deux gouvernements en un», lui a lancé le socialiste.
Lors de six jours de tractations houleuses, reproches publics et fuites de documents dans la presse se sont multipliés. Les socialistes ont accusé Podemos d'avoir exigé de contrôler «plus de la moitié des dépenses publiques» et «toutes les recettes».
Podemos évoquait publiquement des propositions «humiliantes» les cantonnant à un «rôle de figuration». «C'est votre égo qui vous sépare», leur a lancé le libéral Albert Rivera, qui a voté contre Pedro Sanchez comme les conservateurs du Parti populaire et l'extrême droite de Vox.
La question indépendantiste
D'autres difficultés se profilent pour un éventuel accord avant la date limite en septembre. Socialistes et Podemos ont en effet besoin de l'assentiment de partis régionaux, dont les indépendantistes catalans, pour former une majorité.
La Gauche républicaine de Catalogne (ERC, indépendantiste) et les séparatistes basques de EH Bildu avaient cette fois accepté de s'abstenir pour le permettre. «Septembre nous complique la vie à tous», a averti le président du groupe parlementaire ERC, Gabriel Rufian.
Le verdict du procès de 12 leaders séparatistes catalans pour leur rôle dans la tentative de sécession de la Catalogne devrait en effet tomber à cette période.
Leur condamnation attendue risque de remobiliser les séparatistes qui organisent déjà tous les ans une manifestation massive pour la journée de la Catalogne, le 11 septembre.
«Regardez la droite, ils boivent du petit lait», a dit Gabriel Rufian à MM. Sanchez et Iglesias. «Combien de mois, combien d'années, nous tous, toute la gauche, peu importe notre drapeau, allons-nous regretter ce jour ?»
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