Brésil Sao Paulo célèbre des artistes censurés

ATS

19.1.2020 - 00:51

Le festival «Été sans censure» organisé à Sao Paulo veut mettre à l'honneur les artistes et les spectacles censurés par le gouvernement brésilien actuel. Ici une artiste participe à une manifestation contre la censure à Rio de Janeiro en octobre 2019 (archives).
Le festival «Été sans censure» organisé à Sao Paulo veut mettre à l'honneur les artistes et les spectacles censurés par le gouvernement brésilien actuel. Ici une artiste participe à une manifestation contre la censure à Rio de Janeiro en octobre 2019 (archives).
Source: KEYSTONE/AP/SILVIA IZQUIERDO

Un festival culturel organisé par la mairie de Sao Paulo s'est ouvert vendredi dans la mégapole brésilienne. A l'honneur, des pièces de théâtre, des films et des concerts d'artistes victimes de censure ou d'attaques en tout genre sous la présidence de Jair Bolsonaro.

Parmi les 45 activités prévues pendant 15 jours figurent la représentation d'oeuvres d'artistes de premier plan de la scène culturelle brésilienne mais aussi le concert d'un groupe étranger emblématique : les punks russes détracteurs de Vladimir Poutine de Pussy Riot.

Avec ce festival entièrement gratuit intitulé «Été sans censure», Sao Paulo veut s'affirmer en tant que pôle culturel et défendre la liberté artistique à une époque où le gouvernement d'extrême droite est engagé dans une croisade idéologique sans merci.

Un acte de «résistance»

«Nous vivons un moment terrible pour la culture au Brésil et il faut changer ça. La culture, c'est notre identité nationale et il faut la mettre en valeur», explique à l'AFP Alexandre Yousseff, le secrétaire à la culture de cette ville.

Pour lui, ce festival est un acte de «résistance».

Le monde des arts au Brésil était en ébullition vendredi après la démission fracassante de Roberto Alvim, le secrétaire à la Culture du gouvernement Bolsonaro, qui a fait scandale la veille en raison d'un discours paraphrasant des propos du chef de la propagande nazie Joseph Goebbels.

«Cauchemar»

Vendredi soir, le coup d'envoi du festival «Été sans censure» a été être donné par le chanteur et poète Arnaldo Antunes, dont le clip «O real resiste» (le réel résiste) a été censuré par la chaîne de télévision publique TV Brasil. «C'est une chanson qui parle de la situation politique actuelle, de cette sensation que nous sommes en train de vivre un cauchemar, que ce n'est pas réel», a déclaré Antunes au moment de lancer ce clip, en novembre.

Le même soir s'est aussi produit l'un des artistes les plus attendus du festival, Renan da Penha. Ce DJ de funk carioca a été incarcéré pendant sept mois l'an dernier pour une supposée association au trafic de drogue, ce qu'il a toujours nié énergiquement.

Il n'a pas été directement censuré par le gouvernement, mais ses défenseurs considèrent que son incarcération s'apparente à une tentative de faire taire les mouvements artistiques des favelas, des quartiers populaires souvent marginalisés.

«Filtres» culturels

Côté cinéma, le festival a prévu une projection de «Bruna Surfistinha», un long-métrage de 2011 qui a remporté un grand succès auprès du public en racontant l'histoire d'une célèbre prostituée issue des classes moyennes.

L'an dernier, Jair Bolsonaro a pris ce film en exemple pour défendre son intention de mettre des «filtres» dans la politique de subventions culturelles. «Je ne peux pas admettre qu'on fasse ce genre de film avec de l'argent public, par respect envers les familles», avait-il déclaré fin juillet.

Autre film au programme : «La Vie invisible d'Euridice Gusmão», de Karim Ainouz, qui a obtenu le prix Un certain regard au festival de Cannes. Malgré cette reconnaissance à l'étranger, l'Ancine, l'agence publique chargée d'organiser le financement de productions nationales, avait interdit sa projection privée pour ses fonctionnaires.

Thématiques LGBT

Pour ce qui est du théâtre, le festival a programmé «Roda Viva», une pièce écrite par Chico Buarque en 1967 qui avait été censurée par le régime militaire (1964-1985) dont Jair Bolsonaro est un fervent admirateur.

«Gritos», de la compagnie Dos à Deux, fondée à Paris en 1998 et installée au Brésil depuis 2015, fait aussi partie de cette programmation.

Cette pièce de théâtre gestuel qui aborde entre autres les thématiques LGBT avait été annulée à la dernière minute en septembre dernier d'une série de représentations prévue dans un théâtre de Brasilia financé par une banque publique.

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