«La haine monte» Soldats en zones civiles et «collabos» des Russes

ATS

1.8.2022 - 08:40

Les frappes quotidiennes sur des zones résidentielles dans les localités de l'est de l'Ukraine soulèvent la très délicate question de la concentration de militaires en zones civiles. Elle met également en évidence la présence d'informateurs parmi la population.

Un soldat passe devant un bâtiment détruit par des attentats à Tchernihiv, en Ukraine, le dimanche 19 juin 2022.
Un soldat passe devant un bâtiment détruit par des attentats à Tchernihiv, en Ukraine, le dimanche 19 juin 2022.
KEYSTONE

Keystone-SDA

L'AFP a visité de nombreux endroits touchés dans la région de Donetsk, dont les Russes veulent s'emparer. Elle a constaté que des quartiers résidentiels, sans cible militaire apparente, étaient régulièrement frappés.

À Pokrovsk, la grande ville de la région, une frappe le 17 juillet a détruit ou endommagé une dizaine de maisons dans une seule rue. À Kostiantynivka, Toretsk et même à Kramatorsk, pourtant éloignée du front, des roquettes s'abattent aussi dans des zones d'habitation, entraînant morts et destructions.

Pour les habitants des zones concernées, la raison de ces frappes ne fait souvent guère de doute: ils affirment que des militaires ukrainiens s'étaient installés non loin, dans des maisons ou des écoles abandonnées. L'AFP n'a pas pu confirmer ces affirmations de façon indépendante.

«C'est la guerre»

L'organisation Human Rights Watch a récemment accusé les deux belligérants russe et ukrainien de mettre inutilement en danger des civils en basant des troupes au coeur de zones habitées. L'ONG a notamment documenté quatre cas côté russe, dans des zones de l'Ukraine occupée, et trois cas côté ukrainien.

«Les forces russes et ukrainiennes doivent toutes deux éviter de baser leurs troupes parmi les civils et faire tout leur possible pour éloigner les civils des environs», a-t-elle exhorté.

Interrogé par l'AFP, le gouverneur de la région de Donetsk, Pavlo Kyrylenko, a répondu: «C'est la guerre. Il est impossible d'éviter la destruction d'infrastructures ou de propriétés». «Notre première tâche est d'arrêter l'ennemi. Cela peut entraîner la destruction d'infrastructures. Il est impossible de mener la guerre d'une autre façon», a-t-il ajouté.

Accroupi dans la rue en fumant silencieusement une cigarette, Yevguen, 70 ans, ancien tourneur fraiseur, citoyen de Kramatorsk «depuis trois générations» contemple l'école numéro 23, totalement détruite par une frappe de missile.

Informateurs

L'établissement, accueillant en temps de paix quelque 500 enfants de 6 à 17 ans, est la deuxième école de la ville réduite en poussière et sept autres ont été endommagées depuis le début de la guerre, selon Denis Syssoïev, responsable du département éducation à la mairie.

L'école était utilisée depuis le début de la guerre comme dépôt d'aide alimentaire. Mais pour Yevguen, «les Russes visent les soldats ukrainiens. Je ne sais pas s'ils s'étaient établis dans l'école, mais on les voyait régulièrement aller et venir dans la zone». «Et dans notre quartier, il y a beaucoup de gens 'bien intentionnés', qui veulent aider et qui informent les Russes», grince-t-il.

Cette accusation est reprise par Natalia, une mère de trois enfants qui fréquentaient l'école 23. Elle évoque un groupe Telegram des habitants du quartier, où les commentaires postés laissent peu de doute sur «qui est prorusse et qui ne l'est pas».

Le sujet éminemment sensible des «informateurs» est en effet soulevé après chaque frappe.

«La haine monte»

«C'est une question: comment l'ennemi connaît-il les coordonnées de lieux où sont basés des militaires?», fait mine de s'interroger le gouverneur Kyrylenko. «Une grande part de la population reste loyale aux occupants et attend le monde russe. Elle sait que c'est une trahison. Elle le regrettera plus tard», assène-t-il.

«Je constate que la haine monte entre les résidents de Kramatorsk», a déploré il y a quelques jours sur Facebook le maire de la ville, Oleksandre Gontcharenko. «Ceux qui attendent la venue [des Russes, ndlr], qui se sont vu promettre des montagnes d'or et la liberté d'expression de la part de leurs 'sauveurs', sont des idiots», a-t-il asséné.

Selon Galyna Prychtchepa, porte-parole des services de renseignements pour les régions de Donetsk et Lougansk, 37 «informateurs» ont été arrêtés dans le Donbass depuis le début de la guerre. Ils sont accusés d'espionnage et de haute trahison.

Dans le sud de l'Ukraine, le gouverneur de la région de Mykolaïv, constamment bombardée par les forces russes, a récemment annoncé une prime de 100 dollars pour ceux qui aideraient à identifier les collaborateurs des Russes.