Asile Solidarité et débat sécuritaire en Suisse autour de l'Ukraine

beko, ats

6.3.2022 - 18:34

Plusieurs milliers de personnes ont manifesté ce week-end contre l'invasion russe en Ukraine, alors que la Suisse s'attend à accueillir un flot de réfugiés. La guerre bouscule aussi la politique sécuritaire de la Confédération tandis que coopérants et médias sont rapatriés.

Une manifestante porte une robe faite de masques à gaz lors d'une manifestation contre l'invasion russe de l'Ukraine à Genève, en Suisse, le samedi 5 mars 2022.
Une manifestante porte une robe faite de masques à gaz lors d'une manifestation contre l'invasion russe de l'Ukraine à Genève, en Suisse, le samedi 5 mars 2022.
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Keystone-SDA, beko, ats

Samedi à Zurich quelque 40'000 personnes se sont mobilisées contre la guerre en Ukraine et près de 3500 à Genève. Elles étaient environ 1000 à Berne et 1500 à Saint-Gall à répondre à l'appel de la Société ukrainienne en Suisse.

Manifestants et orateurs ont réclamé un cessez-le-feu immédiat, des négociations et le retrait des troupes russes mais aussi des mesures de désarmement et de contrôle de l'armement. Les appels à accueillir les réfugiés ukrainiens, à bannir les jets privés des oligarques russes et à geler leurs avoirs se sont succédés.

Dans une lettre ouverte au Conseil fédéral, les coprésidents du PS ont exhorté samedi à la création d'une task force pour enquêter sur le patrimoine des oligarques russes. C'est pour eux le seul moyen de prévenir le financement de la guerre en Ukraine depuis la Suisse.

Accueil des réfugiés

Dimanche, le nombre de personnes fuyant le conflit en Ukraine a dépassé la barre de 1,5 million. Il s'agit de la crise de réfugiés la plus rapide en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, a alerté l'ONU.

La planification d'urgence avec les cantons est à l'ordre du jour, pour se préparer à l'arrivée d'un grand nombre d'Ukrainiens, explique la ministre de la justice Karin Keller-Sutter dans la NZZ am Sonntag. Les autorités comptent aussi sur la solidarité des privés pour héberger des personnes cherchant une protection temporaire.

Des milliers de Suisses ont déjà proposé des places d'accueil et des lits, rapporte le Matin Dimanche, citant les associations Osons l'accueil à Fribourg ou Campax. Au total, 328 ressortissants ukrainiens étaient inscrits vendredi auprès du Secrétariat d'Etat aux migrations (SEM). Parmi elles, 199 ont demandé l’asile et sont hébergées dans un centre fédéral, a précisé dimanche le SEM à Keystone-ATS.

Le nombre total d'Ukrainiens qui se sont réfugiés en Suisse reste difficile à évaluer. D'une part les Ukrainiens sont exemptés de visa pour entrer en Suisse, d'autre part, ils ont pu être accueillis chez des parents ou amis. Le SEM dispose de 5000 places dans les centres fédéraux d'asile, dont environ deux tiers sont occupées. Le concept d'urgence prévoit d'augmenter la capacité jusqu'à 9000 places.

Option à long terme

La guerre en Ukraine ébranle aussi la politique de sécurité suisse, et certains de ses tabous. Tandis que PLR et UDC ont réclamé plus de moyens pour l'armée, la ministre de la défense se déclare dans la SonntagsZeitung favorable à une augmentation de 2 milliards de francs du budget de l'armée, comme «option à long terme». Cela correspond à une hausse des dépenses annuelles de 40%.

En revanche, rejoindre l'OTAN n'est pas une option pour Viola Amherd. «En tant que pays souverain et neutre, nous devons en premier lieu pouvoir nous protéger nous-mêmes», estime la Valaisanne. C'est aussi une question de coûts. Les pays de l'OTAN doivent investir 2% de leur produit intérieur brut (PIB) dans la défense nationale, contre moins de 1% actuellement pour la Suisse.

Dans la presse dominicale, des voix évoquent néanmoins un rapprochement avec l'OTAN ou l'Europe dans le domaine militaire. La Suisse doit intensifier sa collaboration avec l'UE, estime la conseillère nationale Jacqueline de Quattro (PLR/VD). Dans ses futurs pourparlers avec Bruxelles, Berne doit aussi viser un accord de coopération en matière de politique de sécurité, selon la députée Franzika Roth (PS/SO).

Départs de Kiev et de Moscou

Dans l'immédiat, le Département fédéral des affaires étrangères a suspendu ses activités de coopération en Ukraine et le personnel suisse a quitté le pays, précise-t-il dans la SonntagsZeitung. L'Ukraine était dernièrement une priorité de l'aide suisse au développement, avec des dépenses annuelles de 30 millions de francs.

Des Suisses se retirent aussi de Russie. Suite aux mesures décrétées par Vladimir Poutine vendredi soir restreignant la liberté de la presse et à l'instar de nombreux médias étrangers, tous les correspondants de la radio-télévision alémanique ont déjà quitté le pays, a fait savoir samedi la SRF.

Le collaborateur de la radio-télévision de Suisse italienne RSI a également quitté Moscou. La radio-télévision romande n'y avait plus de correspondant permanent, a indiqué de son côté la RTS.

Breitling reconsidère ses activités en Russie. L'horloger soleurois, qui a fermé ses boutiques en Ukraine pour protéger les collaborateurs, a cessé de livrer des marchandises en Russie, selon la SonntagsZeitung.

Pour l'heure, la Suisse n'entend pas bloquer le négoce de matières premières russes, parce que l'UE n'a pas non plus sanctionné ce marché, explique le président de la Confédération et ministre des Affaires étrangères dans le «SonntagsBlick». Selon Ignazio Cassis, les 27 y ont renoncé pour ne pas «laisser les gens dans des maisons froides». C'est aussi pourquoi le gaz continue de passer par le gazoduc Nord Stream 1. La moitié du gaz utilisé en Suisse provient de Russie.