Soudan Soudan: «manifestation du million» contre le putsch, le monde scrute la réponse de l'armée

ATS

30.10.2021 - 15:39

Des milliers de personnes manifestent samedi au Soudan contre le général putschiste Abdel Fattah al-Burhane. Elles sont décidées à remettre la transition démocratique sur les rails malgré cinq jours de répression meurtrière.

A Khartoum comme dans l'est du pays, les cortèges scandaient des slogans contre l'armée à l'occasion de cette "manifestation du million", ont indiqué des témoins alors que les forces de sécurité quadrillaient la capitale.
A Khartoum comme dans l'est du pays, les cortèges scandaient des slogans contre l'armée à l'occasion de cette "manifestation du million", ont indiqué des témoins alors que les forces de sécurité quadrillaient la capitale.
ATS

Keystone-SDA

A Khartoum comme dans l'est du pays, les cortèges scandaient des slogans contre l'armée à l'occasion de cette «manifestation du million», ont indiqué des témoins alors que les forces de sécurité quadrillaient la capitale, bloquaient les ponts et fouillaient passants et voitures.

«Nous voulons un régime civil et nous n'accepterons pas cette fois le partage avec les militaires, il faut qu'il soit 100% civil», a affirmé Hachem al-Tayeb, un manifestant dans le sud de Khartoum.

Réponse de la junte scrutée

La réponse de la junte, alors que neuf manifestants ont déjà été tués et plus de 170 blessés depuis lundi, selon des médecins, sera scrutée dans le monde entier, a déjà prévenu un haut responsable américain qui estimait lui entre 20 et 30 le nombre des victimes. «Ce sera un vrai test sur les intentions des militaires», a-t-il dit.

Mais le risque d'un nouveau bain de sang dans un pays miné par les conflits n'entame en rien la détermination des manifestants, assure à l'AFP la militante pro démocratie Tahani Abbas.

«Les militaires ne nous dirigeront pas», affirme-t-elle. Et la «manifestation du million» promise sur les réseaux sociaux et par des graffitis sur les murs de Khartoum – où les autorités ont coupé l'internet et le réseau téléphonique- n'est qu'un «premier pas».

Car dans un pays dirigé quasiment sans interruption depuis 65 ans par des militaires, la rue a décidé de dire non au général Burhane qui a dissous lundi les institutions du Soudan et arrêté la plupart des dirigeants civils.

Aide financière suspendue

«Non au régime militaire» et «Nous ne retournons pas sur la liste (américaine) des pays soutenant le terrorisme», scandaient les manifestants inquiets de voir Khartoum réinscrit sur cette liste «noire» de Washington, sur laquelle il figurait jusqu'en 2020 et qui lui a valu de lourdes sanctions économiques durant des années.

Cette semaine, les Etats-Unis comme la Banque mondiale, exigeant le rétablissement du gouvernement civil, ont suspendu leur aide financière à Khartoum, vitale pour le pays asphyxié par une inflation galopante et une pauvreté endémique. L'Union africaine a, elle, suspendu Khartoum et le Conseil de sécurité de l'ONU a exigé le retour des civils.

Au milieu des fumées émanant de pneus brûlés dans l'est de Khartoum, les pancartes des protestataires affichent «pas de retour en arrière possible», un slogan faisant allusion à la révolte qui a renversé Omar el-Béchir, un général lui-même arrivé au pouvoir par un putsch 30 ans plus tôt, au prix de six mois de mobilisation et plus de 250 morts.

D'autres manifestants ont brandi des portraits du Premier ministre déchu et assigné à résidence Abdallah Hamdok, appelant à «ne pas renoncer».

«Désobéissance civile»

Depuis lundi, les Soudanais sont entrés en «désobéissance civile», juchés sur des barricades et devant faire face aux balles réelles en caoutchouc et aux grenades lacrymogènes des forces de sécurité.

Mais, met en garde Amnesty International, «les dirigeants militaires ne doivent pas s'y tromper: le monde les regarde et ne tolèrera pas plus de sang». De nouveau samedi, le chef de l'ONU Antonio Guterres enjoignait «les militaires à ne pas faire davantage de victimes».

Le putsch de lundi a coupé court aux espoirs d'élections libres fin 2023 et plongé le pays, au coeur d'une région déjà instable, dans l'inconnu. La quasi-totalité des dirigeants civils – qui siégeaient avec M. Burhane et d'autres militaires au sein des autorités de transition- sont toujours retenus.