Séisme en Syrie «Les Syriens se sont sentis abandonnés»

sn, ats

13.3.2023 - 13:03

La Commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU sur la Syrie cible le gouvernement, des parties et l'ONU sur la lenteur de l'aide après le séisme. Lundi à Genève, elle a souhaité une investigation. Dans un rapport, elle parle de nouveaux crimes de guerre.

Le président de la Commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU sur la Syrie Paulo Sergio Pinheiro dénonce l'attitude des parties au conflit après le séisme dans le pays (archives).
Le président de la Commission d'enquête internationale indépendante de l'ONU sur la Syrie Paulo Sergio Pinheiro dénonce l'attitude des parties au conflit après le séisme dans le pays (archives).
ATS

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La réponse au récent séisme a été le symbole d'«échecs additionnels», déplorent les trois enquêteurs, qui ne s'expriment pas au nom de l'ONU. Tous les acteurs, de même que la communauté internationale n'ont pas réussi à sécuriser un cessez-le-feu qui aurait facilité l'acheminement de l'aide pendant la première semaine qui a suivi le désastre.

«De nombreuses voix appellent, à raison, pour une investigation et pour l'établissement des responsabilités», ajoutent les membres de la commission. «Les Syriens se sont sentis abandonnés» et ils sont «consternés», a affirmé à la presse le président de l'entité Paulo Sergio Pinheiro.

«De nombreux jours ont été perdus sans aide pour les rescapés du séisme», a-t-il encore dit. Selon un autre membre de la commission, Hanny Megally, «c'est une honte». L'ONU a semblé «paralysée» en attendant une résolution du Conseil de sécurité qui n'était pas indispensable, dit-il. «Elle aurait plus oeuvrer plus rapidement».

Berne cofacilitatrice au Conseil

Les Casques blancs syriens, actifs dans les territoires qui ne sont pas contrôlés par les autorités, s'en étaient pris à l'ONU, déplorant l'absence d'une aide qui puisse permettre de sauver des personnes affectées par la catastrophe. M. Pinheiro ne voit aucune objection à ce qu'une investigation soit pilotée par celle-ci elle-même, mais la commission préfèrerait une évaluation indépendante, sans qu'elle-même ne la mène.

«Nous ne nous offrons pas pour diriger cette investigation», a aussi dit une autre membre de la commission Lynn Welchman qui demande une réforme de l'approche systématique au Conseil de sécurité en cas de situation comme le séisme. «Ce n'est pas à nous de décider», renchérit le président, alors que la Suisse est cofacilitatrice de cette question au Conseil.

Selon lui, «les Syriens ont besoin désormais d'un cessez-le-feu généralisé». Et dénonçant de la «cruauté» et du «cynisme», il précise encore que la commission mène des investigations sur des attaques «dans les territoires mêmes du séisme dévastateur». Notamment les frappes israéliennes contre l'aéroport d'Alep où arrive une grande partie de l'assistance humanitaire.

Russie en cause

La commission se penche sur des accusations contre plusieurs parties qui auraient délibérément empêché l'acheminement de l'aide, dit M. Megally. Le gouvernement a attendu une semaine avant d'ouvrir deux points de passage supplémentaires pour l'assistance. Il ne faut pas que cette situation se dépète quand cette autorisation se terminera, a encore insisté de son côté M. Pinheiro.

Autre problème, aussi bien les autorités que les opposants de l'Armée nationale syrienne (ANS) et les djihadistes d'Hayat Tahrir al Sham (HTS), dans le nord-ouest, ont refusé l'acheminement d'une aide au-delà de la ligne de front. Selon l'ONU, environ cinq millions de personnes ont besoin d'une assistance en raison du séisme. «La plupart des sans-abri sont des femmes», déplore Mme Welchman. Au total, 15 millions de personnes dépendent d'assistance après 12 ans de conflit.

Dans son nouveau rapport, préparé avant le désastre, la Commission dénonce une augmentation de l'insécurité dans plusieurs villes contrôlées par le gouvernement. Des détentions arbitraires, de la torture et des disparitions forcées se poursuivent.

Dans le nord-ouest du pays où se trouvent les opposants, le régime a ciblé par des frappes des camps de déplacés dans la région d'Idleb, tuant sept personnes. En juillet dernier, un raid aérien de son allié russe avait fait le même nombre de victimes à Judaydah. Ces actes équivalent à des crimes de guerre.

Discussion liée à un mécanisme

De même que la poursuite de la détention, dans le nord-est, de 56'000 personnes, surtout des femmes et des enfants, dans le camp d'al-Hol et de Roj par les Kurdes des Forces démocratiques syriennes (FDS). Les conditions continuent de se détériorer, selon les enquêteurs onusiens.

HTS et des groupes de l'ANS sont responsables de torture et de détentions arbitraires, disparitions forcées présumées, à Idleb et dans la région d'Alep. Exécutions, enlèvements, pillages et confiscations sont également dénoncés par la commission.

Les enquêteurs demandent depuis longtemps un mécanisme international indépendant sur les personnes disparues. Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres doit en parler prochainement au Conseil de sécurité, ont-ils encore salué.