La province d'Idleb, dans le nord-ouest de la Syrie, bénéficie vendredi d'une rare période de calme, au lendemain d'un accord de cessez-le-feu russo-turc. Aucun avion ne sillonnant le ciel pour la première fois depuis des mois.
Cette trêve, entrée en vigueur à minuit (23h00 suisses) après des semaines de combats entre forces pro-régime d'un côté et groupes djihadistes et rebelles de l'autre, semblait tenir en matinée, malgré des violences nocturnes intermittentes, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH) et des correspondants de l'AFP.
Le directeur de l'OSDH, Rami Abdel Rahmane, a signalé «l'absence totale d'avions de guerre russes et du régime dans l'espace aérien d'Idleb». A Damas, l'agence de presse officielle Sana a indiqué que «le calme régnait» sur l'ensemble de la région.
Durant les trois premières heures de vendredi, «des affrontements intermittents et des échanges de tirs ont eu lieu, avant de s'interrompre», a-t-il précisé. Six soldats syriens et au moins neuf djihadistes du Parti islamique du Turkestan (TIP) – dont les membres appartiennent majoritairement à la minorité musulmane ouïghoure de Chine – ont été tués dans ces accrochages, selon l'OSDH.
«Bases solides»
Jeudi, le président russe Vladimir Poutine, dont le pays appuie militairement Damas, et son homologue turc Recep Tayyip Erdogan, qui soutient des groupes rebelles, sont parvenus à un accord de cessez-le-feu au terme d'une réunion marathon à Moscou.
Cette trêve doit mettre fin à des semaines de violences ayant provoqué un drame humanitaire, avec près de 500 civils tués, selon l'OSDH, et près d'un million de déplacées, d'après l'ONU. En toile de fond figure en outre une potentielle crise migratoire en Europe, après la décision d'Ankara de laisser passer les réfugiés.
Selon l'accord de jeudi, la Russie et la Turquie organiseront à partir du 15 mars des patrouilles communes sur une large portion de l'autoroute M4, un axe crucial pour le régime reliant Alep (nord) à Lattaquié (ouest) en passant par la région d'Idleb.
M. Poutine a dit espérer que cet accord serve de «base solide pour mettre un terme aux combats dans la zone de désescalade d'Idleb» et pour «stopper les souffrances de la population civile».
«Aucune confiance»
Mais les habitants de la région sont pour le moins sceptiques. Ahmad Qaddour, qui vit dans un camp de déplacés avec sa femme et ses deux enfants, affirme s'attendre au pire. «Nous n'avons aucune confiance dans le régime et la Russie», affirme ce père de famille de 29 ans.
La première grande offensive lancée par Damas contre la région d'Idleb remonte à fin 2017. Elle a été suivie de deux autres opérations, dont la dernière lancée en décembre 2019, ponctuées de trêves ayant toutes volé en éclat.
Un accord conclu entre Ankara et Moscou en septembre 2018 prévoyant l'instauration d'une zone «démilitarisée» pour éviter une offensive de Damas est resté lettre morte. Entretemps, le régime a continué de progresser sur le terrain jusqu'à s'emparer désormais de la moitié de la province d'Idleb, et est parvenu à sécuriser par la force la quasi-totalité de l'autoroute M5.
Plusieurs «angles morts»
L'offensive lancée en décembre par Damas, avec l'appui de l'aviation russe, a par ailleurs entraîné une poussée de fièvre inédite avec la Turquie voisine. L'armée turque est déployée dans le nord syrien depuis 2016, où elle a installé 12 postes d'observation et soutient des groupes rebelles à Idleb. «La position des 12 postes d'observation restera inchangée», a assuré vendredi le président turc.
Les affrontements directs entre Ankara et Damas, qui ont tué plus de 50 soldats turcs depuis février ainsi que des dizaines de soldats syriens, ont suscité des craintes d'un dérapage entre Moscou et Ankara et d'une crise migratoire en Europe.
le chef de la diplomatie de l'UE, Josep Borrell, s'est réjoui de l'accord saluant un «signe de bonne volonté», appelant toutefois à la prudence et à un accès pour l'aide humanitaire. Le président français, Emmanuel Macron, a lui estimé que l'accord comportait un certain nombre «d'angles morts». Quant au Programme alimentaire mondial (PAM), il a regretté le fait qu'il n'ait pas prévu «une zone de sécurité pour les déplacés».
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