Tribunal Tokyo sommé de dédommager d'anciennes esclaves sexuelles

ATS

8.1.2021 - 08:59

Un tribunal sud-coréen a ordonné vendredi au Japon de verser une indemnité à 12 femmes réduites à l'esclavage pendant la Seconde guerre mondiale dans les bordels de l'armée impériale, ou à leurs familles. Cette décision sans précédent a d'emblée été condamné par Tokyo.

Les «femmes de réconfort» étaient exploitées par les troupes de l'armée impériale japonaise durant la Seconde guerre mondiale (image d'illustration).
Les «femmes de réconfort» étaient exploitées par les troupes de l'armée impériale japonaise durant la Seconde guerre mondiale (image d'illustration).
KEYSTONE

Le tribunal du district central de Séoul a décidé que le gouvernement japonais devrait payer à chacune des victimes 100 millions de won (80'700 francs), rapporte l'agence sud-coréenne Yonhap.

Il s'agit du premier dossier civil présenté à la justice en Corée du Sud contre Tokyo par celles qui étaient appelées dans un euphémisme «femmes de réconfort», et qui étaient les esclaves sexuelles des troupes japonaises.

Dans son jugement, le tribunal relève que le Japon impérial était responsable du système des «femmes de réconfort». «Les plaignantes (...) furent soumises à une exploitation sexuelle prolongée», affirme-t-il. «Cela relevait d'un acte illégal contre l'humanité et le défendeur a l'obligation de compenser les victimes pour le préjudice mental.»

Tokyo et Séoul sont deux alliés clés des Etats-Unis dans une région dominée par la Chine et confrontée à la menace d'une Corée du Nord dotée de l'arme nucléaire. Mais leurs relations restent tendues en raison des vieux contentieux hérités de la période où la péninsule coréenne était une colonie japonaise (1910-1945).

«Inacceptable» pour Tokyo

Tokyo a condamné vendredi le jugement et convoqué l'ambassadeur de Corée du Sud. «Il est extrêmement regrettable que le tribunal du district central de Séoul nie le principe de l'immunité souveraine» des Etats, a déclaré dans un communiqué le ministère japonais des Affaires étrangères. «C'est pour le gouvernement japonais inacceptable.»

Selon la majorité des historiens, jusqu'à 200'000 femmes – principalement originaires de Corée mais également d'autres pays asiatiques y compris la Chine – ont été forcées à se prostituer dans des bordels militaires japonais.

Le jugement rendu vendredi découle de poursuites intentées il y a huit ans par 12 plaignantes, dont cinq sont encore en vie. Les autres sont représentées par leurs familles.

Tokyo a toujours refusé de comparaître, soutenant que le contentieux avait été vidé par le traité de 1965 qui impliquait le versement de réparations. Il stipulait en outre que toutes les réclamations entre les Etats et leurs ressortissants se trouvaient «réglées complètement et définitivement».

Mais pour le tribunal de Séoul, cet accord ne portait pas sur le droit des femmes à réclamer des dédommagements au Japon.

«Je suis profondément émue par la décision rendue aujourd'hui», a déclaré aux journalistes Kim Kang-won, un des avocats des plaignantes. «C'est le premier verdict du genre pour les victimes qui ont souffert à cause des troupes japonaises.»

Accord de 2015 dénoncé

Le gouvernement japonais nie être directement responsable de ces violences sexuelles, insistant sur le fait que les victimes avaient été recrutées par des civils et que les bordels militaires étaient exploités commercialement.

En 2015, la Corée du Sud et le Japon avaient conclu un accord «définitif et irréversible» aux termes duquel le Japon offrait ses «excuses sincères» et versait un milliard de yens (8,5 millions de francs) de dédommagements à une fondation afin d'aider les rares «femmes de réconfort» sud-coréennes toujours en vie.

Mais cet accord, conclu par le gouvernement conservateur de l'ex-présidente depuis destituée Park Geun-Hye, avait été critiqué par une partie de l'opinion sud-coréenne, en raison notamment du refus japonais d'assumer une pleine responsabilité juridique.

Et une fois au pouvoir, M. Moon l'avait déclaré nul en regrettant que les victimes n'aient pas été associées à sa négociation.

Le tribunal du district central de Séoul doit rendre la semaine prochaine sa décision sur une autre affaire, similaire, qui implique une vingtaine de plaignantes.

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