«Héros» persécuté Trump transforme son cliché judiciaire en une arme de communication

ATS

26.8.2023 - 08:32

La photographie d'identité judiciaire de Donald Trump, la première d'un ancien président américain, est a priori une source d'humiliation. Mais le milliardaire, champion en communication politique, l'a déjà transformée en une arme publicitaire redoutable pour la présidentielle de 2024.

Tête légèrement penchée vers l'avant, regard très dur, voire agressif, en signe de défiance: le cliché du 45e président des Etats-Unis d'Amérique, immortalisé par les services du shérif d'Atlanta, a fait le tour du monde depuis jeudi soir.
Tête légèrement penchée vers l'avant, regard très dur, voire agressif, en signe de défiance: le cliché du 45e président des Etats-Unis d'Amérique, immortalisé par les services du shérif d'Atlanta, a fait le tour du monde depuis jeudi soir.
Keystone

Keystone-SDA

Le tabloïd New York Post, propriété du magnat conservateur Rupert Murdoch, en a fait sa Une vendredi, la photographie occupant une pleine page, sans titre. Au contraire, le New York Times, journal classé à gauche aux Etats-Unis, a réduit l'image à la taille d'un médaillon pour illustrer un article également à la Une, mais qui la partage avec la mort présumée du chef du groupe russe Wagner, Evguéni Prigojine.

«Héros» persécuté

Dès le cliché judiciaire rendu public, les partisans de Donald Trump ont présenté l'ex-président républicain en «héros» victime d'une persécution et d'une «chasse aux sorcières» orchestrées par les démocrates de l'actuel chef d'Etat Joe Biden.

Ce dernier se garde bien de commenter les quatre inculpations de son prédécesseur, mais, à une journaliste qui lui demandait vendredi s'il avait vu la fameuse photographie, Joe Biden a répondu en souriant: «Je l'ai vue à la télévision. Un beau gars».

De son côté, l'équipe de campagne «Trump 2024» a aussitôt surfé sur l'effet «mug shot» en lançant un appel à chaque «patriote» américain. Ce communiqué affirme que «l'Etat de l'ombre tente de faire du président Trump l'ennemi public numéro 1 pour oser défier la classe dirigeante corrompue de Washington» et dénonce une «photographie judiciaire officielle qui le présente comme un criminel aux yeux du monde entier.»

Mais «le président Trump ne renoncera jamais à notre mission de rendre sa grandeur à l'Amérique», martèlent ses partisans, réclamant 47 dollars de contribution pour une nouvelle levée de fonds du candidat républicain, largement en tête des sondages en vue des primaires de son parti en 2024.

En échange, chacun se voit offrir un tee-shirt blanc imprimé avec la photographie d'identité sous laquelle s'affiche le slogan «Never surrender!» ("Ne vous rendez jamais!").

De retour sur X

Le cliché marque aussi le retour de Donald Trump sur le réseau social Twitter, rebaptisé X. Sa dernière publication sur cette plateforme, autrefois son canal favori de communication, remontait au 8 janvier 2021. Il en avait été banni après l'attaque du 6 janvier 2021 contre le Capitole, à Washington, menée par ses partisans. Cette interdiction a depuis lors été levée.

L'un des fils Trump, Donald Jr., a republié l'image de son père, accompagné d'un message menaçant: «Eh, l'Etat de l'ombre, il arrive pour vous chercher. Rendez-vous le 20 janvier 2025», date de la prise de fonction du président qui sera élu le 5 novembre 2024.

Et pour la représentante républicaine de la Géorgie, Marjorie Taylor Greene, classée à l'extrême droite, cette photographie de «notre président [...] est celle qui fera gagner l'élection présidentielle de 2024».

Le «regard Kubrick»

Le cliché est aussi détourné sur les réseaux sociaux dans des montages et des mèmes humoristiques, favorables ou hostiles. Des cinéphiles voient dans le visage menaçant de Donald Trump un clin d'oeil au fameux «regard Kubrick» ("Kubrick Stare") du nom du réalisateur britannique Stanley Kubrick: le personnage fixe la caméra en inclinant sa tête vers l'avant, avec une expression qui peut faire peur au spectateur, à l'instar de Malcom McDowell dans «Orange Mécanique».

Pour Daniel Binns, patron britannique de l'agence new-yorkaise de marketing politique Interbrand, le détournement du cliché en fait un produit dérivé «extrêmement puissant» de la «marque» Trump.

L'ancien magnat a une forme de «génie en publicité» politique, selon cet expert. Donald Trump «peut se servir de tout ce qui est dit, de tout ce dont on l'accuse et en faire quelque chose qui colle avec le récit qu'il veut raconter».

Pour Miro Cernetig, qui se présente sur X comme créateur et développeur de marque pour les entreprises, le «coup publicitaire est brillant, même s'il peut être grossier». «Trump sait mieux que quiconque se servir des médias et de controverses pour propulser sa marque [...] monétiser un 'mug shot' pour en tirer instantanément des millions» de dollars.